La vie et ses aléas, les centres d’intérêt au fil de notre humeur, le confinement 2020, les travaux d’une maison, un déménagement, une mutation, un concours, une nouvelle vie… autant de motifs qui nous éloignent d’un arc pour un temps donné, alors comment revenir mettre l'feu au terrain ? (une image hein faites pas les fous ! Merci Maxime #Zoupfi pour ce montage que je ressors des archives !)
- Militaire, mes mutations ont été nombreuses : organiser son environnement technique et sportif.
- Membre de l’équipe de France depuis 2007 et en cours : ajuster mes objectifs et planifier.
- Enfant d’une famille meurtrie, j’ai dû m’occuper des miens le corps et l’esprit affaiblis : savoir identifier ce qui nous pousse à revenir vers l’arc.
Les entraîneurs vous donneront une approche biomécanique et sportive de votre reprise, je vous donne ici ma version de mécanicien d’arc puisque c’est mon métier, et ma version d’homme parce qu’en dehors de ma carapace d’archer de haut niveau, mes émotions et mes sensations m’ont toujours guidé et servi jusqu’ici.
J’ai eu la chance de ne jamais m’être blessé. Mais est-ce une chance ? Ou bien une stratégie idéale ? Voici comment je préconise ma reprise du tir à l’arc.
A. PREPARATION
Vous êtes resté longtemps sans exercice spécifique avec l’arc en main. Votre corps a évolué, vous avez peut-être gardé le lien avec l’effort physique, ou pas, votre esprit est peut-être affecté par l’épisode que vous venez de vivre, soit parce qu’il a été difficile, soit parce qu’il a été si joyeux et bénéfique qu’il vous distrait de votre pratique compétitive. Votre corps a changé, vos muscles ne prennent pas la même place qu’avant.Votre matériel est resté dans sa housse, dans le coffre de la voiture (ce qu’il faut éviter à tout prix), au garage, à la cave. Vous ne l’avez pas utilisé depuis longtemps. Certaines pièces vont demander un entretien obligatoire.
1. L’ostéopathie et le matériel.
Surprenant non ? J’ai repris l’arc après une période de plusieurs années d’accompagnement des maladies graves qui ont touchées ma famille, dont plusieurs mois sans pratique, avec un corps affaibli et un esprit changé au résultat. Lors de cette reprise, je n’ai pas pu armer l’arc de mes derniers championnats du monde, il m’était impossible de l’ouvrir et de le porter. J’ai compris que je devais écouter mon corps, tous ces capteurs étaient devenus si sensibles qu’ils allaient me guider vers l’allonge et le poids idéal avant de recommencer à me muscler.
Alors je l’ai écouté, et pour être sûr que tout allait bien en évoluant, j’ai consulté mon ostéopathe régulièrement pour qu’il me confirme les zones de tensions et de relâchement. Celles-ci devaient être conformes à mon ressenti, mon bon équilibre. Si l’épaule d’arc souffrait, j’enlevais quelques masses. Si mon trapèze d’arc ne lâchait pas des tensions de la veille, si ma nuque était douloureuse, j’ajustais l’allonge de corde et de Dloop avant la prochaine session de tir. Ce n’est qu’après une bonne dizaine de séances de tir et deux bonnes consultations d’ostéopathie que j’ai pu reprendre l’entraînement de façon plus soutenue. La première avait pour objectif de me faire du bien, être sûr que mon corps allait supporter la reprise dans de bonnes conditions. La seconde me permettait d’identifier les zones de tensions, pour modifier les paramètres de mon équipement : j’adapte la géométrie de mon arc à ce que mon corps est capable d’encaisser à un moment précis de ma vie.
Consultez votre ostéopathe, faites un check-up avec lui, un état des lieux avant de reprendre et de vous blesser. Patientez deux jours après une séance pour reprendre l’arc en main. Retournez le voir après une dizaine de séances de tir qui seront idéalement de courte durée pour commencer, une heure max. Il vous dira comment vous avez évolué.
2. Vérification et entretien de votre matériel.
Cette étape se fait AVANT le tir ! Votre arc est resté longtemps sans tir, vous allez tirer une puissance proche de 30kg, la corde va claquer à près de 300 km/h. Avant d’arriver au mur de votre arc, vous passerez par son pic de puissance à l’aide de votre décocheur, gare à vous s’il est grippé.
a) Vérifiez et cirez votre corde, vos câbles. Tous les tranche-fils sont inspectés, les brins de câblage également. Vous avez une belle série de vidéos sur les câblages maintenant disponible sur ma chaîne YouTube, autant la visionner pour en apprendre plus… Et ABONNEZ-VOUS ! Comme ça, vous serez notifié à chaque nouvelle vidéo...
b) Passez chaque came, axes et roulements au pinceau. Le nettoyant industriel vous aidera à chasser les poussières indésirables, à nettoyer correctement l’équipement. Ajoutez une goutte d’huile minérale sur les axes et points névralgiques de l’arc et de ses accessoires.
c) Le viseur recevra une attention particulière, cet instrument de précision ne peut le rester que si vous en prenez soin. Cliquez sur votre viseur sans lubrification après une longue période sans utilisation et vous allez le dégrader rapidement. D’abord, un coup de pinceau, un coup de nettoyant industriel, un goutte d’huile minérale et faites-le tourner et glisser ensuite. Pour finir, replacez-le sur vos repères de distances, évitez les mauvaises surprises…
d) Vérifiez vos encoches et vos plumes de flèches : ces parties plastiques peuvent devenir cassantes si elles sont mal stockées ou vieillissantes. On n’apprécie pas vraiment une flèche qui tombe de l’arc en pleine allonge, ou une plume qui part en plein vol. Le danger n’est plus à décrire, vérifiez !
e) Je termine par le plus important : votre décocheur. Quelque soit son fonctionnement, sa marque, son état et son âge, c’est avec cette pièce mécanique que vous tirez une arme : on ne joue pas avec la qualité et l’entretien d’un décocheur. Vous devez apprendre à l’entretenir correctement, son fonctionnement pour savoir le démonter et le remonter. Cela ne se fait pas au pas de tir avant ou pendant l’entraînement en mode waleguenébistoufly, mais au propre à la maison. Démontez-le, nettoyez-le, lubrifiez-le, remontez-le et vérifiez son bon fonctionnement à l’aide d’une cordelette, d’un élastique, mais pas sur un arc.
Consultez :
- La liste des bons outils à posséder,
- Mon article sur l'entretien du matériel,
- Mes vidéos YouTube sur le changement de câblage (pleines d'astuces en tout genre au gré des vidéos, sur tous les sujets).
3. Echauffement et étirements.
Si vous n’étiez pas un adepte de ces exercices de torture, croyant votre entraîneur possédé par le malin lui-même lorsqu’il vous parle un dialecte inconnu et bien mystérieux qu’est celui de la composition de notre corps et de son fonctionnement, vous allez devoir y venir, désolé les amis.
Un élastique, ça se trouve bien, et les bons exercices que vous allez regarder sur YouTube encore, sont sur la chaîne FFTA TV. Il est bon de connaître les bons mouvements, même si comme moi vous n’aimez pas ça, faites-le pour être performant plus rapidement dans l’arc, plus endurant sur ce niveau de performance. L’exercice permet de récupérer plus rapidement avec les étirements, pour diminuer le temps de chauffe nécessaire lors du prochain entraînement. Utile non ? C’est pénible au début et une fois qu’on sait comment faire, c’est cool, tout va bien, #Apaspeur #AiesConfiance.
Et ça ne sert à rien de se faire mal aussi à l'échauffement, on est pas des bourrins et on commence tranquillement. L'étape doit être agréable pour que le tir trouve sa fluidité plus rapidement, et plus longtemps au rythme des volées. Plus le temps sera dégradé, plus l'échauffement sera important pour ne pas se blesser et être performant.
B. MECANIQUE.
a)L’allonge.
Adaptez votre matériel : cela signifie que vous devez apprendre à le faire… Ajuster la puissance est un début, mais elle cause un agrandissement de l’allonge : les pockets de branches reviennent en arrière et cette distance de retrait s’ajoute à l’allonge en place, un tour de vis de branche = 1mm d’allonge environ.
C’est à cette époque de reprise que j’ai réellement appris sur l’allonge idéale. Je tirais 26,5’’ durant des années, j’ai évolué à 28,5’’. Je tirais en sous-allonge, pugnace et agressif dans l’arc depuis des années. J’ai perdu ces deux traits de caractère avec les aléas de la vie et je me suis adouci. Je voulais une allonge plus grande, me sentir plus grand, et à l’aise. Sans aller chercher en arrière, c’est ce que mon corps m’a demandé. J'ai osé changé et je ne regrette rien, plusieurs autres belles médailles internationales et records en poche. Mes tensions cervicales me fichent la paix désormais et la charnière dorso-lombaire se portent à merveille me disent les ostéos, et pour moi c'est un soucis de moins en tête.
Vous sentirez cela dès les premiers armements. Commencez par baisser votre puissance et voyez comment votre corps se place dans l’arc. Si vous arrivez trop vite au mur, augmentez l’allonge par demi pouce direct sans chercher le détail. Si au contraire vous mettez le temps avant de mettre la butée au contact du câble, à vous pencher en arrière, ne réfléchissez pas et raccourcissez l'allonge par les câbles ou par les modules.
Pour ma reprise, j’enlève trois tours aux branches, et trois tours au câble de contrôle et au câble de force. Avec cela, je perds environ trois livres par les branches, et presque deux livres par les tours qui manqueront aux câbles. Mon allonge restera sensiblement identique, si je souhaite la conserver ainsi et l’arc sera plus facile à tenir : la butée sera plus facile à atteindre, et cet appui nous permettra de tenir l’arc en visée vers la cible.
Ne pas tenir compte de ce paramètre primordial revient à compenser la géométrie de l’arc par votre corps : vous reprendrez l’entraînement, vous allez développer une force musculaire sur une mauvaise base. A force, vous développerez en parallèle les défauts posturaux et vous favoriserez l’apparition de blessures vous écartant une nouvelle fois de votre arc… Alors, ça vaut le coup de ne pas se tromper, non ?
Je vous le dis, parce que je l’ai appris, en concertation avec mes différents ostéopathes qui manipulent le corps humain tous les jours sur des dizaines de patients, et d’après les discussions avec mes entraîneurs. Alors le mécano vous recommande fortement d’oser changer pour apprendre et adapter l’arme à votre corps.
b) Le poids d’arc.
Vous aviez un poids embarqué correspondant à votre puissance d’arc et à votre force musculaire : vous devez adapter ce paramètre pour ne pas tomber dans le “porte-à-l’arc”, et bien rester sur du “tire-à-l’arc”. Vous baissez votre puissance, vous diminuez le poids d’arc, c’est logique. Réadaptez ce paramètre en commençant par ôter 50% des masses de vos stabilisateurs.
Le premier avantage sera de soulager vos muscles du poids embarqué pour à nouveau sentir correctement la ligne de tir : plus vite, vous saurez déterminer l’axe de traction de l’arc par votre posture. Il sera aussi plus facile d’intervenir sur l’allonge générale de l’arc, nettement plus perceptible. Aussi, un poids plus léger sera plus facile à tenir dans le cas où vous aimiez une allonge plus grande. Dans le cas où vous aimeriez une allonge plus courte, il ne sera pas nécessaire d'allourdir l'arc.
Le deuxième avantage ne se sentira pas le jour même, mais le lendemain : le premier entraînement est toujours génial, c’est le deuxième qui va piquer… Ne forcez pas trop les premiers jours et allez-y tranquillement d’abord, ne vous dégoûtez pas de suite. En enlevant quelques masses, vous pourrez reprendre l’arc plus aisément le lendemain et réduire votre temps de chauffe au service de l’endurance.
c) Sensibilité ou course du décocheur.
Vous aurez perdu de la sensibilité dans vos p’tites mains et vos gestes seront plus maladroits que ceux du technicien que vous étiez, alors, réglez votre décocheur avant de vous le prendre pleine tête tout en perdant une flèche en pleine nature…
Commencez par l’entretenir au calme et au propre, puis réglez sa course plus longue qu’elle ne l’était, ou bien sa sensibilité moins fine. Le but est de prévenir plutôt que de guérir, quitte à ce que cela soit trop dur, trop long. Vous y reviendrez une fois ce paramètre jaugé, en fonction de votre état du moment et de votre force musculaire.
C. PREMIERES SEANCES.
Echauffez-vous tranquillement durant quinze bonnes minutes sans trop vous fatiguer, sortez votre corps du canapé et reprenez de l’amplitude de mouvement. Les bons mouvements sont dispensés par votre entraîneur, et/ou les vidéos de FFTA TV. Un élastique de préparation ou bien un ELAST’TRAINER vous aideront à bien mener cette étape.
Privilégiez les séances courtes, une heure de tir maximum par volée de six flèches maximum. Le but est d’en garder pour la suite, plus vous tirerez sur la ficelle, plus le deuxième entraînement sera difficile et le risque de blessures et/ou tensions sera important. Profitez de la reprise pour faire de la mécanique en intervenant sur votre allonge et sur le poids de votre arc, adaptez-le à votre capacité et à la situation. La semaine suivante, vous pourrez augmenter l’exigence et le temps de tir progressivement.
Préparez votre séance, regardez la météo et habillez-vous en fonction. Les temps froids sont assez traumatisants et le vent peut corrompre votre perception de l’arc idéal, sachez faire preuve de discernement. Ayez de quoi vous hydrater et de quoi manger : vous n’êtes plus habitué, le corps vous alertera et s’opposera à tout effort supplémentaire, donnez-lui les moyens de bien faire !
Pour la suite, vous pourrez revenir sur vos paramètres d’arc, augmenter la puissance au cours d’une séance est une bonne chose quand le corps est déjà chaud, tout comme les masses additionnelles sur vos stabilisateurs. Il est probable que vous deviez en retirez un peu lors de l’échauffement de la séance suivante, avant de les remettre une fois chaud.
L’allonge deviendra courte au constat d’un arc trop réactif en visée : normal, corps chaud et muscles se développant, vous prendrez plus de place dans l’arc et il faudra intervenir sur vos câbles ou vos modules. Faites-le, sinon, vous compenserez (risque de blessure à terme).
La reprise demande un peu de préparation pour qu’elle se passe bien, pour qu’elle vous encourage à continuer sans vous blesser, sans vous dégoûter, cela doit être un plaisir, amusez-vous et réglez au fur et à mesure. Soyez guidé par votre plaisir, c'est la plus grande énergie que vous aurez à long terme !
Bonne reprise, bon tir !
Archerycalement,
>>>---Pierrot---> X
Publié le 15/05/2020