On trouve bien des explications au tir façon "back tension" mais souvent il faudra traduire l'anglais et comprendre les notions en vigueur de l'autre côté de l'Atlantique. Ce qui ne sera pas très facile quand on parle de sensations aussi fines que celles recherchées dans un arc. Je vais tenter d'expliquer la méthode que j'utilise et, n'ayant pas de formation professionnelle dans le sport ou dans le milieu médical, je resterai dans le domaine de l'archer le plus simplement "possible"...


Qu'est-ce c'est ?


"Back tension" signifie : effectuer une traction dynamique vers l'arrière par le coude, l'épaule, le dos, soit la partie dynamique de l'archer, sans jamais quitter la ligne de tir. L'autre partie du corps étant pour moi la partie résistance (bras d'arc), fixe. Cette technique comprend plusieurs points indissociables pour qu'elle soit efficace.

Il faudra se maintenir en bonne condition physique, avoir un entraînement régulier pour mieux sentir votre matériel et votre posture, connaître le réglage d'un arc sur le bout des doigts et être patient en visée. Vous devez visualiser une ligne, matérialisée par la flèche, pour chercher à "agrandir" le tube sur son axe sans jamais le casser. Une allonge trop courte ou trop longue, un décocheur trop en pression sur la maxillaire, un arc mal équilibré seront des entraves pour tirer sur cet axe. C'est un peu comme jouer les équilibristes entre les points de pression, le câblage, le poids, la puissance, l'allonge, la posture... Tous ces éléments vont permettre la décontraction musculaire pour réaliser un geste fluide, c'est-à-dire décontracté mais dynamique. Force tranquille, équilibriste, funambule... Voilà ce qu'il me vient à l'esprit pour qualifier cette technique.


Pourquoi tirer "back" ?


On entend parler de "Target panic" : la peur du jaune, du 10. C'est la maladie du scopage en arc à poulies. Cette cible que l'on voit si bien, ce 10 si joli qui n'attend qu'une pression du pouce sur la molette du décocheur alors que la visée est stable, et PAN ... Problème moteur, le bras d'arc sursaute, le pouce ne répond plus, tout sursaute ... Ou simplement le contraire, la visée ne veut pas se pointer au milieu de cette cible et tourne autour sans cesse malgré notre volonté à le coller dedans... De guerre lasse, on appuie sur le bouton … En ce qui me concerne, j'aime sentir l'arc, ses vibrations, son poids dans ma dragonne au lâcher, les épaules qui se relâchent en ligne après une bonne traction. Après bien des essais de techniques, de matériel, de postures, rien à faire : c'est la seule méthode qui me convient. Elle évolue toutefois au fil du temps. Je ne me pose pas de question en visée, les sensations sont là, les parasites du lâcher ne sont plus. Le lâcher est à chaque flèche une libération de positif, avec la volonté formelle de la coller dedans ! Cette technique favorise la sensation et la performance, l'archer n'est pas concentré sur la décision d'appuyer sur le bouton, il a le regard sur la cble en gardant le dynamisme. Il faut alors être patient, le point stable, et les sensations de tir seront vraiment pures.


Quels arcs ?


Tous les types d'arcs ne conviennent pas vraiment à ce type de tir. En effet, la traction arrière produite peut être néfaste pour le groupement si on rentre trop dans les poulies (le module pousse le câble). Les arcs qui possèdent des cames souples comme les Wheel, les cam & 1/2 HOYT et autres types de poulies de forme assez ronde, ne seront pas adapté à cette technique. L'absence d'un butée franche dans le mur conduira à une irrégularité de puissance en visée. Si vous voulez, c'est alors comme tirer au classique, mais sans clicker...


Quels décocheurs ?


On arrive à tirer "back" avec un décocheur à bracelet, un décocheur à pouce, à pression ou avec undécocheur à rotation.

  • Le décocheur à pouce.

Il se règle en dureté, pour faire varier la pression du pouce sur la molette. La molette doit avoir le minimum de course. La marque Carter, par exemple, propose différentes duretés de ressors pour limiter cette dernière. (idem pour le décocheur à bracelet). Posez le pouce délicatement sur la molette, de façon relâchée. Prenez soin de bien régler la position de cette pièce, le pouce ne doit pas chercher sa position, et il ne doit pas exercer un effort pour la contourner. Une fois placé, la force exercée en arrière va écraser le pouce sur la molette jusqu'au déclenchement.

  • Le décocheur à pression.

Il lâchera une fois que la pression créée par la traction arrière sera suffisante. Le problème de ce décocheur est justement cette pression fixe, tous les jours ne sont pas fait à l'identique et nous ne produirons pas la même force chaque jour. Il n'est pas l'ami d'une main qui tremble puisqu'en butée sur les câbles, la pression fluctuera beaucoup trop pour être régulier, le "pétage à la tronche" pointe son nez ! (Oui, une expression toute faite aide bien quelques fois ;-))

  • Le décocheur à rotation.

Il se règle en course, plus elle sera longue, plus l'annulaire cherchera derrière jusqu'au déclenchement. Ils'obtient grâce à la simple rotation d'un crochet en contact avec une demie-lune. Quand le crochet passe de l'autre côté de la demie-lune, le mécanisme lâche. Simple, donc fiable. Pas de ressors, pas de réglages à outrance ...

Cette demie-lune possède une caractéristique particulière : deux faces. Une avec une encoche laissant un "clic" qui alerte du déclenchement imminent et l'autre face brute sans alerte de départ. Je préfère de très loin la version sans clic qui fluidifie à son maximum le tir. Le 'clic' produira un effet indésirable dans la séquence de visée plaçant l'attention sur le décocheur et non plus sur le geste.

Certains modèles de décocheurs sont fabriqués avec un dispositif de sécurité évitant son déclenchement intempestif lors de l'armement d'arc. Il n'est pas agréable de se prendre son décocheur dans les dents, et cela peut vite coûter cher ! C'est une option qui vous appartient, je n'apprécie pas l'ergonomie des modèles proposés avec sécurité, mais le principe ne me gène pas. Le réglage de mon décocheur est en course longue, j'ai le temps de voir venir avant qu'il décide de lâcher alors que j'arme mon arc.


Quels réglages ?


D'abord le décocheur : il doit être réglé pour déclencher d'une main détendue, poignet relax'. J'ai une préférence pour l'initiation à une course longue, une forte pression pour exercer le corps à cette technique. Ceci aussi pour éviter le pétage à la tronche ... Lui, il vous vaccine pour ne plus jamais toucher un back ! Pour commencer, essayez d'abord avec un 'clic' pour vous familiariser avec la course et le moment du départ,mais seulement en cas de fortes appréhensions. Dès que êtes plus à l'aise, changez pour tirer sans, rapidement. Le but sera de rester concentré sur la visée, sur le geste et cette fameuse ligne sans devoir réaliser un effort supplémentaire pour appuyer sur une queue de détente.

Ensuite, l'arc. Les décocheurs se succèdent mais ne se ressemblent pas. Certaines caractéristiques changent comme la longueur de tête, l'orientation de tête, la largeur, la longueur, l'ergonomie etc... Tout ça fait que la main ne se placera pas de la même façon au niveau du visage par rapport à un décocheur d'usage régulier, comme un modèle à pouce par exemple.

Si possible donc, il faudra régler l'arc pour ce type de décocheur de manière à en ressentir les bienfaits. Un réglage pour quelques temps serait judicieux, comme une période de préparation de saison par exemple. Au back, il faut généralement être plus court en allonge de manière à maîtriser la notion d'alignement, à minimiser la pression sur la mâchoire et, pour garder de la réserve en tonus musculaire. Un tir économique durera plus longtemps et sera plus régulier.

A noter que réduire le Dloop accentuera la pression sur la mâchoire, cela aura pour effet de rendre plus difficile le déclenchement d'un décocheur à rotation. Les doigts s'ouvrent plus difficilement dans ce cas et poussent sur l'os de la mâchoire, en éjectant la main sur le côté opposé. La ligne est cassée, la flèche part loin et vole mal. A l'inverse, un Dloop plus long rendra plus facile la décoche. Attention cependant car cela accentue les variations d'ancrage au visage.

L'allonge de l'arc est très importante, elle se divise en deux parties.

  • L'allonge de corde et la longueur de Dloop.

Les deux s'harmonisent et constituent la ligne de tir. Cette partie sera réglée lorsque le point de visée sera stable et lorsque les épaules seront basses et décontractées.

Une fois le réglage d'arc effectué, vous pouvez affiner le réglage du décocheur. A ce moment là, commencez par une force importante à exercer ou par une longue course de rotation pour retarder le départ de la flèche. Réglez minutieusement, petit à petit, le moment du déclenchement.

La bonne allonge : elle règle l'espace entre les omoplates et ajuste la "ligne", sinon :

  • Les épaules chaufferont sur le dessus, les trapèzes deviennent douleureux en refroidissant.
  • L'épaule de corde fera mal à force de chercher derrière, la tendinite pointe son nez, méf' !
  • Les deux omoplates se rencontrent sur le même plan et il est impossible de bouger, les deux sont figées, vous êtes cambrés.
  • Au lâcher, l'omoplate d'arc se relâche et ainsi pousse l'arc en avant : perte de groupement.
  • Dans le vent, même faible, la ligne segmentaire des épaules est trop ouverte, il est impossible de tenir l'arc dans la cible.

Ressentir la bonne allonge

  • L'arc est souple
  • Arrivée progressive dans le mur avec un bon ressenti de la vallée,
  • Bon ressenti du placement des segments d'épaules, coudes, poignets,
  • La tête trouve facilement la corde,
  • Aucune tension n'est ressentie dans les cervicales, les lombaires, les épaules,
  • Les courbatures sont normales, il n'y a pas de douleur,
  • Vous pouvez tirer des heures, les muscles vont chauffer progressivement, mais normalement et de façon homogène, la récupération sera en adéquation avec la difficulté de l'entraînement.

Avec un arc à poulies, vous devez opérer sur les câbles, sur la corde pour changer l'allonge; vous changez alors la puissance, le let-off, la longueur du pic et de la vallée, la hauteur de visette, la longueur du Dloop etc... N'oubliez pas : 5 petits millimètres d'allonge, c'est déjà beaucoup. C'est peut-être l'entre-deux qui vous convient... C'est un travail de technico-équilibriste !!! Dans les deux cas le but est de trouver un compromis entre le temps de visée, la décontraction et votre force physique.

Un réglage ne se fait pas en un seul jour, il se valide dans le temps, dans un contexte de situations différentes comme : le tir "sans soucis", excellent, mal dormi, énervé, usé, pas envie, compét', entraînement, stress, pluie, vent, sudation ... Ces situations ne sont pas toujours plaisantes mais nécessaires pour ressentir la "bête" et enrichir sa connaissance de soi. Je garde toujours à l'esprit que le « bon » réglage effectué le soir n'est pas toujours celui du lendemain. J'attends le prochain entraînement pour le valider ou non.


Comment utiliser son décocheur à pouce ?


Il convient de bien régler sa molette et sa sensibilité. Je conseille de tirer sans user du pouce d'abord pour définir une bonne position de main. Vous devriez donc revenir, et non pas lâcher le décocheur … Les câbles n'aiment pas ! La bonne position sera adaptée en toute circonstance, des doigts bien calés ne glissent pas même sous la pluie... Elle sera marquée par une bonne stabilité, un arc qui sort bien droit devant et, le confort une fois ancré au visage. Une fois trouvée, venir faire toucher le pouce au contact léger de la molette. Le point de contact reste très personnel, mais il faut rester dans la zone comprise entre la phalange et la pulpe du doigt. Ici vous garderez une bonne sensation de toucher. Le tir poing fermé n'est pas une bonne solution, ni même une main trop en arrière. Gardez la ligne, tractez tranquillement avec patience jusqu'à ce que le mécanisme déclenche de lui-même. Vous devez être surpris ! Il faut intégrer un mouvement de "bascule"... Ce qui est important, c'est d'avoir conscience de la répartition de pression sur chaque doigt et comment s'organise l'ensemble. Si on arme l'arc à fond sur l'index, on ajoute de la course au décocheur. Si on l'arme sur 3 doigts, il déclenchera avant que l'on puisse le décider (le fameux pétage à la tronche !). Dans mon tir, je dois contrôler la sudation de ma main pour être le plus régulier possible. Je peux aussi utiliser un surgrip très fin pour renforcer mes contacts.


Ma séquence de tir au back tension.


Si je devais vous donner un indice sur la répartition de pression à l'armement, je dirais 50% sur l'index, 30% sur le majeur, le reste sur l'annulaire. J'arme toujours avec mon pouce placé sur l'ergot qui maintient l'ensemble dans sa position haute. Par sécurité mais pas que : le pouce constitue un repère supplémentaire pour toujours garder le même placement de la main, soit la même pression, la même course. Je libère le pouce lors de la mise en contact avec l'ancrage et je laisse faire la bascule jusqu'à répartir la pression correctement sur les 3 doigts, c'est-à-dire 40% index, 40% majeur, 20% annulaire. Je recherche le centre, la visée, la ligne de tir, la décontraction. La bascule se stabilise et il faudra maintenant que j'effectue cette traction arrière pour libérer la corde. Je maintiens le bras d'arc en gardant mon épaule d'arc solide. J'effectue une traction arrière. Il ne faut jamais forcer trop pour déclencher. Sûr qu'il faut travailler sa patience ...............................................

Les doigts forment un crochet, le décocheur filera doucement, progressivement, toujours pour rester sur la ligne de tir. Le pouce et l'auriculaire viennent se placer vers la paume de la main. La pression se répartit sur les trois doigts. Pour que le décocheur bascule, laisser l'index se relâcher à mesure que l'annulaire vient sur l'arrière. Le majeur est presque un point de pivot, le tout s'articule autour de la tête du décocheur, en butée dans le mur, sans trop tirer, sans être passif. Il faut être patient et attentif sur la visée jusqu'au départ, cette fois imminent. Au lâcher, le corps dans l'axe, l'épaule d'arc solide, la nuque ferme, l'arc se jette dans la dragonne, la main glisse derrière le visage. Vous pouvez admirer votre arc qui suit la courbure du vol de flèche, la ligne d'épaule sur le même axe, comme sur un rail de chemin de fer... Tout ça sans parasite, avec un léger effet de surprise, cela donne envie de recommencer encore et encore. C'est là le tir que j'aime...


Quand commencer cette technique ?


Le meilleur moment pour apprendre le back tension est lors de la saison de tir en salle, en l'absence d'éléments perturbateurs. La saison est longue et dispose de beaucoup de compétitions aux conditions similaires. Vous aurez le temps de progresser correctement en limitant toutes blessures causées par une trop forte résistance aux aléas de la météo. Une fois la technique acquise, essayez-vous à tirer dehors, du petit vent au gros vent, sous la pluie.

L'extérieur sera nécessaire pour le perfectionnement, pour renforcer le tonus, mieux gérer le vent et ses rafales. Rare les fois où j'ai dû repasser sur mon décocheur à pouce, il s'agissait alors de conditions météo franchement dégradées.


Conclusion


Après avoir lu tout cet article non exhaustif, vous comprendrez mieux pourquoi je qualifie cette technique« d'équilibriste ». Il faut ressentir son corps et son matériel pour savoir où agir si besoin. Une bonne condition physique est exigée pour toujours garder de la ressource musculaire favorisant la décontraction. Ceci est valable quelque soit le tir pratiqué ! La connaissance technique de son arc à poulies est une aide sans contest, vous avez une page dédiée 'réglages de l'arc, de A à Z' pour ruminer. Il faut persévérer pour acquérir de la patience en visée. Le moment où la flèche part n'est pas décidé comme avec un système de déclenchement immédiat. Toutefois, l'attention de l'archer qui sera dorénavant placée sur la visée et sur un beau geste n'offrira que plus de plaisir à voir une tâche noire en cible l'arc encore chaud !

Votre but n'est pas de lâcher une flèche, il est d'atteindre le centre de la cible !!!

A méditer...

 

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