DSCF6290Augias, épisode 2.

Nous nous retrouvons pour un deuxième épisode de la saison, probablement plus détaillé, car je sais que vous êtes nombreux à apprécier le type de tir qui va suivre… Depuis 2014 où je prenais mon congé sans solde de l’armée française pour motif familial grave, je gardais le rêve de pouvoir participer à une compétition de ce type aux USA. Avant cette "dispo", il n'était pas évident de convaincre l'institution d'une absence qui n'était pas dans le cadre d'une autre institution, celle de l'équipe de France. 

DSCF6262 Ce type de déplacement n'était alors pas possible même sur mes jours de congé, alors suffisamment absent le reste de l'année. Et après cette dispo, j'étais retenu pour m'occuper des miens. J'ai donc attendu et saisi une opportunité lorsque Sébastien m’annonçait son départ pour cet évènement. Nous décidions d’y aller ensemble pour couper nos frais en deux. Séb était déjà à Redding l’an dernier, il me conseillait ainsi pour le « set-up » particulier de ce format, c’était cool de sa part, et nous avons passé un moment extra, le vivant aussi en équipe tous les deux.

Le retour de Chine lundi matin 6h, touch-and-go parisien sous des trombes d’eau et un froid glacial. Notre prochain vol était programmé au lendemain matin. L’entraînement de recalage horaire fût très bref… Départ pour San Francisco 10h. Décalage horaire : +6h, -15h, +9h  soit Paris / Shanghai, Shanghai / Paris, Paris / San Francisco… Comment fait-on ? C’est vrai que nous devrions avoir un secret, une recette pour arriver à nous reposer avec tous ces déplacements autour du globe…. Alors voilà : notre rituel consiste à nous mettre chacun un gros pain dans la tronche en montant dans l’avion, pour dormir directement. A notre arrivée, les commotions sont atténuées avec de la glace. Ceci fonctionne très très bien, ce n’est en revanche pas très apprécié des équipages à bord qui souhaitent maintenir le calme à bord. #Fake ;-)

DSCF6074DSCF6290Dans notre périple passant par l’aéroport de San Francisco, nous avions décidé de faire un stop dans cette ville jusqu’au lendemain pour nous acclimater et ne pas prendre la route de suite, plus prudent, surtout avec les yeux au beurre noir. Comblé par ce programme, nous sortions sans attendre de l’hôtel à Fisherman’s Wharf pour prendre de somptueux clichés du Golden Bridge, Pier 39, Lombard Street et Twin peaks. J’adore la photo, elle me vide la tête et me fait rêver. Immortaliser des instants que je retrouve plus tard sur mon ordi, seul ou en famille, entre amis ou sur la toile, toucher du doigt du beau matos, rechercher le bon cadre, la bonne lumière… C’est un de mes trucs, et je ne voulais pas rater cette occasion rare et inédite. C’est quand même dingue de voir en vrai des lieux qui me reviennent en images de films ou de séries, des peintures, des histoires… Ainsi j’aime y apporter ma touche, pour montrer à mon tour ma façon de voir ces endroits du globe. 

Dans la voiture ou à pieds, flânant ici et là, nous avions nos moments d’entrain et de silence, parfois submergés par les vagues de jet lag. Il fallait tenir jusqu’après le dîner pour clairement casser la gueule à nos oreillers. C’était vraiment drôle ces moments d’aller-retour dans nos sommeils debout, à tour de rôle. Une question posée à l’acolyte, et pas de réponse, ou bien une réponse arrivant tardivement, du genre quelques minutes plus tard… suivi d’un « je ne me souviens plus de ma question, du coup je ne comprends pas ta réponse… ». Un succès, ce temps de tenue éveillé, et nous reprenions la route avec fraîcheur au lendemain matin vers Redding, trois heures de trajet au Nord au travers de la Californie. C’est une petite ville à l’échelle humaine, très jolie, agréable et verdoyante. C’est la p’tite vie ricaine qui s’écoule là-bas, on a l’impression que le temps ne s’écoule pas, que les ennuis ne vont pas jusque-là, et qu’ils restent sagement à la porte de la ville car le Shérif rôde et fait sa loi. Pas un brin d’herbe n’est plus haut que l’autre dans les jardins, peut-être ont-ils des compéts’ de tondeuses à gazon inter-lotissements ? Même l’herbe sauvage est jolie dans ce coin !

IMG 4657IMG 1237Paumée dans la cambrousse à quelques encablures de cette tiny city, le club des Straights Arrow bow hunters renferme un terrain de jeu permanent où est né le mythique Big Foot, ce Cro-Magnon croisé avec un Grizzli, gourdin dans une main, canette de Coca dans l’autre. Tout y est permis, dans ce style exclusif à ce domaine, un « dot » orange marquant la zone à atteindre comptant onze points, avec une autre zone à 10 points sur les animaux les plus gros, et enfin 8 points pour le reste de la bestiole. Ce n’est pas vraiment un 3D, peut-être plus un campagne XXL. Les 3D aux USA se tirent à plat, la difficulté se trouvant principalement dans les jeux de lumières comme une bête noire placée méthodiquement dans l’ombre alors que le pas de tir est au soleil. Les distances ne sont pas très longues sur les 3D, avec 55 mètres maximum ici aux States.

Redding se tire de 3,5 mètres à 92,30 mètres, des papillons au Big Foot, il y a du plat, du dévers, des angles, des jeux de lumières et de la distance. Ce n’est pas toujours évident de voir le point orange, surtout à partir du deuxième jour quand de nombreuses équipes ont déjà défoncé le centre. Soixante-dix cibles sur trois jours, toutes placées au préalable, signifiant ainsi que tous les archers seront sur l’immense terrain en simultanée, soit les quelques deux mille tireurs venus s’amuser…

Voici les équivalences de diamètre du dot en fonction des distances :

  • - 4 cm : 3,65 à 17,37 m
  •  - 7 cm : 18,28 à 27,43 m
  • - 10 cm : 28,34 à 54,86 m
  • - 13 cm : 57,60 à 80,50 m
  • - 20 cm : 92,35 m

La compétition démarre tôt, la corne retentit à huit heures pétantes pour alerter les pelotons de huit à dix archers que le tir est lancé. Nous pouvions nous échauffer sur des cibles permanentes jusqu’à 7h30. Il fallait donc se lever tôt, et partir tôt pour se frayer un chemin jusqu’à une cible. 

IMG 7107IMG 5656Certaines cibles étaient particulièrement ardues, comme les Elks, tirés à plus de 80 mètres sur un dot de 13 cm, il s’agit d’ailleurs de la cible du shoot-off final. Ou bien les ours, au travers de la vallée, à 70 mètres, ou les biches dans l’ombre, en montante, le soleil en pleine tronche. Cependant, le règlement n’interdit pas qu’un archer tienne un parasol pour abriter des rayons… Rien n’est interdit d’ailleurs, et j’aime ce principe, beaucoup. La seule limite est une vitesse, de 290 pieds-seconde maximum pour la sortie de flèche. Nous ne sommes pas passés au peson, mais nos arcs ne sortent pas à plus de 270 donc on est laaaarge. Puissances souvent comprises entre 60 et 70 livres, télémètres autorisés, jumelles, fibre optique assistée électriquement, distance indiquées et donc connues… Tout est permis. La différence se fera sur la précision en cible, au résultat, à la qualité du réglage de l’arc et à la qualité de tir du tireur, à l’endurance de concentration, et au final, si égalité il y avait, ce serait une résistance à la pression devant tous les spectateurs au shoot-off, à 80 mètres sur les Elks pour taper dans le dot de 13cm de diamètre. C’est tout petit et c’est loin ! J’aime bien ce jeu, on s’y amuse bien, plutôt que de chercher la petite bête à qui est dans le règlement ou pas, qui contrevient, qui ne passe pas le contrôle matériel, qui cercle, gnagnagna… Donc tout le monde tire et se fait du bien en atteignant la cible tout le temps, la précision change selon l’intensité du tir, selon la qualité qu’on y aura placé. C’est ainsi très addictif ! Et oui ! Le travail se trouve dans la préparation avant la compétition, ce n’est pas une démonstration d’égo du gars qui a plus d’expérience par rapport au noob, envieux de ne pas toucher la cible aussi souvent que le pro, ou simili-pro (j’aime bien ce terme inventé là tout de suite en écrivant dans l’avion (je passe au-dessus de Groenland actuellement, au retour de Salt Lake City, et tout le monde roupille)). A Redding, ce n’est pas ça, on se fout pas mal de qui est le meilleur, parce que les archers qui viennent chercher la gagne ne sont qu’une poignée, les autres viennent chercher le plaisir, ET ILS LE TROUVENT ! Justement parce que tout est autorisé, et la compétition devient ainsi populaire, appréciée, et prisée. Mince, je suis logique, faut qu'j'arrête. Comme un nonchalance répétée à laquelle on prend goût, mais, comme à Las Vegas, on ne doit pas louper… La gagne place la barre à -2 points sur soixante-dix cibles et autant de distances différentes, trois jours de compétitions, cent-quarante flèches. J’en perdais 17. 

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-7, "Clean" et -10 points, voici mes scores sur les trois jours. Le premier était une découverte avec essentiellement des longues distances dont le Big Foot qui est loin d’être la cible la plus difficile même avec la distance la plus importante. Les plus chaudes sont les cerfs et autres bêtes du même gabarit portant un dot de 10 ou 13cm. Le deuxième était la partie la plus facile, avec pratiquement que des distances moyennes comprises entre 15 et 50m relativement à plat.

Le troisième jour aura été compliqué, à cause d’une belle faute de noob, définitivement, car je partais à Redding avec mon deuxième arc de FITA pour la Chine. Je n’ai pas pensé une seule seconde à régler mon troisième axe, celui qui fait bouger la bulle à gauche ou à droite en fonction de l’inclinaison de l’arc en haut ou en bas, amateur ! Donc bas j’étais à gauche, et en haut j’étais à droite, ou l’inverse, je ne sais plus, et d’ailleurs je m’y suis perdu. Alors je n’ai plus cherché et j’ai voulu simplement profiter de l’évènement. Faute de réglage, certes, j'étais tellement content d'y partir et de découvrir que j'ai plus profité de l'aspect voyage que de celui "Archer Pro".

IMG 7140Sébastien était bien sur le dernier jour, et nous étions en équipe tous les deux. Sa performance nous a permis de rester à -2 points sur le total et d’accéder au Shoot Off des équipes du dimanche après-midi. C’est un tir de barrage qui permet de départager les équipes ou les tireurs à égalité pour faire le classement final. La règle est simple, tirer une seule flèche et la plus proche du centre emporte la plus haute place et ainsi de suite pour les flèches suivantes en descendant dans le classement. Nous tirions pour les places de 2 à 14, nous étions donc pas mal à égalité… Nous n’avons pas forcément bien négocié cette partie et terminons quatorzièmes. L’expérience était sympa, avec les spectateurs assis devant nous, en arc de cercle, et quelques-un qui traversaient entre les flèches « pardon je passe »… Autant dire que ce n’est pas du tout la même que sur un format World Archery, mais beaucoup plus décontracté.

J’ai aimé ce format, à l’apparence très amical, mais très prisé des archers professionnels. Je m’inscrivais dans cette catégorie même sans expérience réelle. Mon dernier 3D remonte à mes débuts dans le tir à l’arc, et sans viseur, arc à poulies nu. « Quand on fait Redding une fois, on ne le rate plus jamais ». Je confirme ce qu’il se dit de partout, c’est très addictif, le Las Vegas du 3D aux USA. Le tir se déroule sans interruption de 8h à 16h, les baraques à Hot Dogs ravitaillent et une fois la journée terminée, tout le monde se retrouve dans les stands pour échanger sur la journée, parce que les résultats tardent à se faire connaître, c’est encore un fonctionnement à l’ancienne. Alors ce sont les on-dit qui vont bon train, untel a fait ci, untel a fait ça, c’est amusant et quelque peu mystique. Les soirées se passent entre archers du monde, à table avec une bonne assiette dans le steackhouse du coin, à raconter des histoires de tir et à se fendre la poire avant de passer une bonne nuit jet-laguée.

Nous repartions de Redding au lendemain de la compétition en matinée pour San Francisco et Paris. Le retour s’est très bien passé et j’étais heureux d’avoir passé cette vingtaine de jours exclusivement dédiés au tir à l’arc, et heureux de rentrer aussi le mardi suivant pour m'occuper de tout ce qui s'était passé en mon absence. Et oui, il y a toujours du boulot dans nos écuries, d'où le titre que je tiens à garder encore pour un ou deux épisodes, pas plus, je l'espère !

Riom 11Arrivait ensuite très rapidement la première manche de la DNAP à Riom, juste à côté de la maison, parfait ! La météo n’annonçait rien de très bon, surtout après le luxe de Shanghai et Redding avec des conditions parfaites. Toutefois, en mettant à jour tout ce que je n’ai pas pu traiter entre la Chine et les Etats-Unis, je recevais un nouvel arc de mon partenaire Hoyt. Même modèle, le Prevail 40 pouces d’entre-axes monté en cames SVX2. Les modules C sont installés dessus d'usine et j’arme l’arc pour sentir un truc plutôt sympa sur cette allonge d’un demi pouce plus grand que ce que je tire à ce moment-là. Je décide de le monter tel quel pour essayer, et trouve un truc super sympa, notamment sur mon placement au visage. Je suis moins contraint, c’est plus évident, plus rapide à mettre en place. Je tire sur la ficelle et le lâché intervient très rapidement et avec une force linéaire, saine. Alors je creuse un peu plus la chose pour me dire qu’il serait sympa de tester cela en compétition. Je monte un câblage de mon partenaire FBS, en BCY X 28 / 24 brins que Guillaume m’avait préparé aux petits oignons comme à son habitude et je rode ma tambouille selon mon p’tit mode opératoire. Le résultat est sans appel, c’est définitivement plus facile comme ça et je ne suis pas tant en « arrière » que ça, je ne fais ni du Reo, ni du Stephan, ni du Mike alors en avant et on verra bien si ça tient.

L’entraînement officiel se passe très bien, par équipe avec les archers de mon club Salaise sur Sanne aussi et la météo n’annonce pas de déluge avant la fin de journée. Au lendemain, ça attaque souple, facile et précis avec un bon 356, suivi d’un 354 coupé par une volée à 57 points gauche où je sous-estimais une renverse du petit air que nous avions sur le terrain. Ce n’était pas que du « shoot-in-the-middle » à Riom, il fallait rester attentif à ce que le mouchoir-drapeau indiquait pour donner la tendance au viseur. 710 pour la première sortie des 28,5 pouces d’allonge… 

ANG 4453Décidément, j’aurais tapé des perfs à chacune des allonges comprises entre 26 et 28,5 pouces ! Mais comment et pourquoi ? Je cherche toujours à améliorer mon tir, ma cadence, ma philosophie évolue et la manière dont je règle l’arc doit évoluer aussi. Ainsi va la vie, sans changement je m'habillerais toujours en baggies et T-shirt Oxbow beaucoup trop grands pour moi, ça craint ! Pour mes arcs, c'est la même chose, changer donne de nouveaux challenges, et maintient en haleine. La mobilisation est très importante dans notre sport, sinon, les flèches sont juste jetées quelque part et voilà, Ô tristeeeeesse !

A chaque fois que je change un paramètre, je le fais constater par mon kiné-ostéo, celui de la maison ou bien celui qui nous accompagne en équipe de France, où se trouve les tensions, comment sont les trapèzes, les dorsaux, les côtes et la colonne ? Il me répond et j’adapte en fonction de ce que je ressens. Si je force mal, le lendemain je ne suis plus aussi performant, mais épuisé ou tendu. Si c’est seulement du one-shot, ce n’est pas intéressant, il faut que je sois frais et dispo tous les jours de la compétition pour rester dans le top et chercher la gagne. C’est super important ça : sentir son corps, constater la facilité à laquelle une performance est réalisée, travailler avec un spécialiste du corps (kiné, ostéopathe), se faire aider d’un ami ou d’un entraîneur pour se voir tirer en vidéo, en photo, se rendre compte soi-même de comment nous sommes en visée une fois la tête dans le tunnel. Je ne le dirai jamais assez !

Suivre son intuition est aussi important, comme par exemple, mon entraîneur national Sébastien Brasseur me demandait de réduire l’allonge pour essayer une mise en place plus facile et en ligne. Donc j’ai fait le contraire. Non je plaisante, je ne suis pas réfractaire à ce point ! Séb a vu juste et nos avis concordent, lorsqu’il a vu le changement il a même pensé que j’avais réduit l’allonge au contact d’un visage plus dégagé de la corde de l’arc. Le corps est une guimauve, et l’arc se règle sans fin, on fait ce que l’on veut et j’ai pu duper l’oeil pour obtenir ce que je cherchais. Je peux rester sur un réglage pendant un certain temps pour qu’il me donne ce qu’il a dans le ventre, et ensuite, je changerai pour repartir en quête du mieux, je suis fait comme ça, j’aime ça, alors pourquoi résister ?

Riom 14Du coup, à Riom, après ce bon 710 précis de 33 X, je réalisais un bon premier match à 147 où le vent commençait à nous chahuter. Au tour suivant, les nuages noirs et le vent gagnaient du terrain. Je matchais contre Guillaume Rubben, tirant à l’index. Je menais de deux points 60 à 58… Patatra sur la suite où ni l’esprit ni le score ne suivait mon envie de rentrer chez moi avant le déluge. Guillaume me collant un beau 30 dans la tempête se levant, je lui passais le flambeau bien volontiers tandis que mes flèches touchaient parfois le 8 pour finir avec un résultat de 139 à 142. Depuis mon canapé, je regardais les vidéos postées sur les réseaux sociaux, montrant le déluge s’abattant sur les archers encore en lice, dont mon Guillaume et Fabien, tous deux finalistes émérites. J’étais si bien à la maison… ;-) 

Ce n’est absolument pas de la vanité, attention, il faut se remettre dans un contexte où je viens de rentrer d’un voyage d’une vingtaine de jours. D’autre part, je ne résiste pas à l’envie de donner mon avis, très rapidement, sur la DNAP : j’y suis pour mon équipe, pas pour l’individuel, et vu ce que cela coûte aux clubs et aux archers engagés, autant attribuer les primes aux clubs plutôt qu’à l’individuel. Si la région ou le club souhaitent récompenser ses archers, (une fois développé, car c’est ça le but, il n’est pas de créer des mercenaires…), je n’y vois pas de problème pour les encourager de cette manière nettement plus large en terme de diffusion. Ce sujet est hautement explosif en ce moment, je agrde un oeil attentif aux changements qui sont en train de se produire au sein de notre fédération. Aussi, j'aime me souvenir que pour progresser, il faut aussi se tromper, et corriger. C'est bien de changer des choses, et nous nous adapterons, en râlant bien sûr... Nous sommes français avant toute autre chose !!!

Le dimanche se déroulait la compétition en équipe, et nous affrontions le froid et le vent, pas très fort mais une fois gelé des 4°C ressentis, il avait son petit effet sur le viseur et sur la qualité du geste. Donc répétons, les cinquante heures d’avion en vingt jours, l’humidité de Shanghai, la température californienne, les 28°C de Riom ensoleillée, les 4°C de Riom embrumée, pluvieuse et venteuse… Ca va, j’étais bien là. Et mes coéquipiers ont fait leur job pour leur première sortie et nous avons gagnés deux matchs pour finir honorablement à la onzième place de cette manche. Je passais ensuite dix jours chez moi, trop cool, même le chat était content, avant de repartir le vendredi vers Paris avec les grévistes du train, et le samedi vers la Turquie sans les grévistes d’Air France puisque la compagnie était Turkish Airlines. 

A17 9081Et voici la seconde manche de la coupe du monde à Antalya, au Sud de la Turquie, golfe d’Akdeniz. Ce voyage est particulièrement pénible. Ce n’est pas si loin et pourtant non-résident parisien je dois partir de chez moi la veille pour dormir à l’aéroport, et ensuite voyager vers Antalya via Istanbul. Tout est long, très long, trop long. De porte à porte, ce voyage fait plus de 24h pour seulement quatre heures d’avion… Et les turques ne sont pas des énervés ni de l’enregistrement, ni de la livraison de bagages à l’arrivée. Bref, il faut prendre en compte que la plus grande distance n’est souvent pas la plus pénible. 

La semaine annonçait une météo brûlante et humide, et a tenu sa prévision. On a cramé ! Mon allonge supplémentaire passait « crème » ici, viande détendue. Petite serviette éponge à la ceinture de carquois obligatoire pour la petite goutte de sueur du sourcil droit masquant le point de visée… et crème solaire appliquée au couteau à beurre. Avant de penser à tirer des gros scores, il faut penser à bien s’équiper, se protéger des conditions extérieures. C’est toujours mon tout premier conseil aux débutants : lorsqu’on me pose la question, par quoi dois-je commencer pour m’équiper en matériel ? Je réponds : commence par acheter de bonnes godasses, et une tenue dans laquelle tu te sentiras bien pour y passer des heures dans n’importe quelle condition. Ensuite, on verra pour la question du matos qui vous fera souffrir. C'est super important !!!

Cette coupe du monde commençait par un luxueux entraînement officiel, parfait, dans de bonnes conditions, de quoi bien se mettre en jambes. Je commençais tout doucement pour finir une dernière heure en mode « on fire ». J’ai dormi là-dessus et c’était bien.

A17 9115Antalya ne m’a jamais réussi sur le plan individuel, et je ne sais pas vraiment pourquoi. Je m’y prépare toujours très sérieusement, et là-bas, il n’y a que l’équipe qui fonctionne. Quoique l’année dernière se passait bien, dans les 8 aux qualifs, et stoppé en huitième de finale sur un excellent match contre Braden. Je pense sûrement à la chaleur, et à l’humidité, qui ne sont pas mes conditions préférées. Et sans parler de confort, en restant sur l’aspect conditions optimales à la performance, celles-ci ne me réussissent pas vraiment et j’ai mes pistes. Je les ai donc testées cette année.

L’allonge, le mur, ce confort n’est pas si confort que cela. J’aime toujours autant la comparaison avec le milieu automobile : quand il pleut en F1, ils passent des pneus pluie et les mécanos effectuent des réglages moteur spécifiques, et quand il fait beau, ce sont des ajustements différents. Pourquoi ne ferions-nous pas la même chose ? Obnubilé par une faute qui doit revenir à l’être humain, nous ne passons pas assez de temps sur le matériel et j’en suis convaincu, moi, être humain sujet à mes humeurs et au changement d’état physique en fonction de la météo. Ce ne sont que des millimètres, mais ils sont importants pour chercher la petite bête.

Un arc plus léger, moins puissant et plus long en allonge : l’objectif était de mieux tenir le mur et la puissance face à la forte chaleur. L’humidité fait glisser dans le grip et dans le décocheur, une allonge plus grande réduit la pression dans ces appuis et logiquement le maintien sera meilleur, en théorie. Un arc plus light en général sera plus facile à tenir tout au long d’une semaine caliente où le corps perd beaucoup en énergie. Et bien en pratique, ça fonctionne. CQFD : "Ce Que Fais Deloche", pour ceux qui ne savaient pas ;-).

Cette édition 2018 est de loin la plus agréable et la meilleure que j’ai jamais tiré dans ces conditions. C’était parfait sur l’aspect matos, je n’avais plus qu’à me mettre dedans. Les qualifications furent bonnes avec une cinquième place et 707 points. Une volée à 56 vers la fin m’écartait des 710 points visés dans un léger vent arrière changeant son inclinaison latérale de temps en temps. Je suis entré dans un mode d’urgence sur cette mauvaise volée alors que je n’avais aucune raison de l’être, tout allait bien. Une rafale me chahutait sans doute et l’oeil voyait encore le niveau de stabilité exigé auparavant pour crisper le reste du corps, alors que maintenant, le tir se base sur la ligne, et non sur une stabilité de viseur. C’est un changement de philosophie total, et voulu, donc agréable. J’accepte mes quelques erreurs sur des qualifications et j’y serai attentif lors des matchs. Pour le reste, il fallait voir ces belles volées marquant le blason d’une sacrée tâche noire en cible, le nombre de 60 balancés et la facilité à les tirer, j’ai adoré !

Ce pas de tir n’est jamais facile, il y a toujours ce vent arrière, celui qui est difficile à lire, que l’on sent venir de droite au pas de tir, en remarquant un drapeau à droite lui aussi… Où viser ? C’est souvent du feeling, l’essentiel est de garder une belle ligne de tir, c’est-à-dire une ligne d’épaule solide, cohérente avec la ligne d’arc avec sa flèche. Rester sur la visée provoquera l’erreur, c’est certain. Si d'habitude l’attention doit être portée sur les grandes tendances de drapeau qui peut renverser sa direction, la règle générale reste dans ce cas de vent arrière une visée « pleine balle » accompagnée d’un tir qualitatif à donf. Faut pas trop se soucier de la contre-visée, être suffisamment attentif à l’air donnera naturellement la bonne tendance au viseur au moment du lâcher.

Ce joli tir me laissait tranquille le lendemain où seuls les matchs des 48ème et 24ème de finales étaient tirés. Je m’entraînais sur un terrain annexe et j’allais ensuite encourager les copains et copines à roulettes qui sont tous passés ce jour-là. Vint ensuite le jour de tonnerre, sous le soleil, mais tonnerre par le programme qui est important avec les éliminations individuelles le matin, et d’équipe l’après-midi.

Je devais rencontrer monsieur Reo Wilde en seizième de finale, qui tapait un 149 la veille et qui d’ailleurs s’en vantait auprès de moi. Je rétorquais que j’avais évidemment noté que son 9 était la dernière flèche… #Crakers ;-) Bon voilà, c’est bon enfant comme jeu. D’ailleurs j’en ai un nouveau : alors que ma flemme l’emporte sur mon envie de parler anglais, je réponds en français, et j’adore voir la tête en face, c’est très drôle, surtout dans le mental game… ;-)

Donc voilà, pour la Nième fois, nous nous rencontrions, il y avait de la tension, et à la fin, je l’emporte avec 147 points contre 146. Mes 9 n’étaient pas loin, et mes 10X étaient superbes, tout allait bien. J’accédais au huitième de finale contre l’indien Verma qui était dans le top 3 à Shanghai avec 710 points. De toute façon, rien n’est facile à compter des 24ème de finale tellement le niveau est haut et serré. Je tirais bien, et je faisais toujours ce petit 9 à 1 ou 2mm alors que le petit air se levait sur le terrain, rageant, car le 9 arrivait au mauvais moment à chaque fois pour ne pas pouvoir coller la pression quand lui en lâchait un. Et je termine avec un 28 de ce type, à rien du cordon, et j’étais éliminé. Ca me gonfle, là, clairement.

Mon niveau revient et je sens la montée en puissance, je sens aussi la frustration qui nourrit l’envie et l’ambition à chaque fois qu’elle se manifeste, surtout lors des défaites. Le plus dur dans ce sport et dans le haut niveau, avec les règles de la World Archery, c’est que ce ne sont pas forcément ceux qui réalisent le plus de points qui vont au bout. Alors, il faut travailler à être le plus régulier possible dans la haute performance pour saisir l’opportunité qui se dessinera sur une manche ou sur un championnat, et surtout ne pas commettre l’erreur d’être déçu et de laisser naître le doute après une défaite laquelle est, je le pense, très éphémère. A peine sorti du pas de tir individuel, je tournais la page et je regardais devant pour la prochaine manche à Salt Lake City.

Deuxième frustration, en équipe cette fois, mais quel dommage encore, ça va passer à nouveau j’en suis sûr, et on ira chercher l’or mondial tellement on en a ras le bol de perdre comme ça sur des bonnes performances ! Une belle dynamique s’installe. Nous perdons sur un match très disputé contre l’Italie, à 235 points sur 240 partout. C’était donc un barrage, à 28 partout, mais avec un 10 italien plus proche que le notre. Nous resterons premiers perdants des quarts de finale, cinquième de cette compétition.

X17 7559Puis, ce fût le tour d’honneur, la carte joker, le tir mixte pour Sophie et moi. Toujours dans notre branchade à qui fait la plus belle flèche, j’attaquais la toute première flèche comptée de la matinée par un beau 8, superbe, pleine zone… Bon, évidemment j’étais largement épié par ma coéquipière pour ne pas reproduire ceci sous peine de lourde sanction (elle est policière dans la vraie vie). J’enchaînais tout le reste avec des 10 et des X jusqu’au deux dernières flèches de la matinée en demie finale. C’était vraiment bon !!! Quatre ans plus tard après Medellin 2014, Nous revoilà en finale d’une coupe du monde en mixte en quête d’une nouvelle médaille d’or. Et commençait l’attente du terrain de finale en mixte. 

A chacun d’adopter sa stratégie, quand certains aiment tirer, tirer, et encore tirer, d’autres préfèrent le repos. C’était ma came cette fois-ci, et je décidais de ne pas tirer avant de trouver l’échauffement de la finale. En revanche, ce n’étais pas un temps de laxisme, ou absence d’activité totale en mode mollusque échoué au soleil. Non, j’écrivais, pour moi, un moment apprécié à rechercher du calme, de la sérénité, du bien-être à prendre mon temps, à rester tranquille et à penser à ce qu’il va suivre, maintenant, demain, cette année et les suivantes. Le cadre et l’instant se prêtaient parfaitement à ce jeu mental. Je n’avais pas pu et/ou pas eu l’envie d’y revenir depuis des mois. Je pense que c’est bon signe ;-) 

Arrivait donc cette finale du vendredi, et non du samedi. Oui, le programme habituel était décalé en raison de la Conquest Cup qui se déroulait à compter du dimanche à Istanbul. Je ne connais pas cette compétition, je sais juste que c’est une sorte d’invitation il me semble, pour tirer dans le vent de cette partie de la Turquie. Cependant suffisamment importante pour décaler le programme du coupe du monde… 

La finale, contre les coréens, qui ont tapé le nouveau record du monde la veille avec 160 sur 160 points et 8 X. Bien bien, je ne suis pas dit « ils sont super forts et nous allons perdre », mais plutôt « c’est bien, mais ils ne vont pas le battre deux fois de suite… ». Bien au contraire, après un record vient le relâchement, en tout cas je l’ai souvent observé ou vécu. Cette fois, ce n’était pas si facile de tirer au centre. En effet, de gros orages éclataient mais restaient très localisés. Le terrain de finale se trouvait à une petite demie heure de bus de l’hôtel, sur la plage. A l’hôtel, le matin, les cumulonimbus déversaient leurs rideaux de pluie alors que le terrain de finale restait au sec à compter du moment où les premières finales commençaient. Ouf… Car ce n’est jamais ni drôle ni très médiatique de présenter notre sport dans ces conditions. 

Qui dit orages, dit grains donc vent. Nous en avions un peu, rien de sorcier mais il était là. La contrainte la plus technique de ce terrain était la pente ! Inédit quand même… On nous avait prévenu, mais ce n’est qu’une fois sur place et en ligne de mire que j’ai pu constater à quel point les trois pour-cent avaient de l’influence ! Sur un campagne le dévers se prend bien en compte, mais alors autant en FITA, y’a comme un paradoxe qui s’installe. On a pas vraiment l’habitude de voir ça. Bon, j’ai « ouvert » mon latéral de quelques degrés contre le dévers pour ne pas avoir à forcer sur ma bulle et le tour était joué pour tirer normalement. Ma coéquipière campagnarde quant à elle, prenait son aise beaucoup plus rapidement. 

Les coréens ont eu bien du mal à se trouver sur ce match, à en coller un peu de partout et chacun leur tour. Tant mieux pour nous, notre match était d’un bon niveau, et nous menait vers la première Marseillaise de la saison. C’était si bon, de goûter à nouveau à l’Or mondial… Ainsi  le mixte français pouliste pris la seconde place du classement provisoire de la coupe du monde. Pour mémoire, seule la première place est qualifiée pour la grande finale où elle rencontrera l’équipe du pays organisateur dans un match « exhibition ».

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De retour à la maison avec le même voyage pénible, long et fatiguant, une petite semaine nous séparait de la DNAP à Boé, et un intervalle de trois semaines avant le prochain départ international vers les USA à Salt Lake City.

Les objectifs me dirigent naturellement vers l’international, à Boé, l’objectif était de saisir une opportunité dans le cas de bonnes conditions, ou bien de trouver des éléments de réflexion afin d’arriver performant en coupe du monde (autrement dit, s’il fait beau je tire bien, et sinon, et bien je garde mes capteurs ouverts mais je ne me fatiguerai pas plus que ça).

Et j’étais en route pour un nouveau record de France FITA…

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A la prochaine ;-)

Archerycalement, 

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