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Moins 1 que parfait, 599, record de France !


“Demain, un gros score peut tomber, le genre énorme…”. “600 ?”, me disait-elle. “Non, pas encore, chaque chose en son temps, mais pas loin”. Voilà ce que je disais à ma compagne alors nous nous entraînions dans le calme hivernal de notre pas de tir permanent au boulodrome de Salaise-sur-Sanne, la veille de la compétition de Saint-Priest, pays lyonnais. Prémonitoire ?

 

 

 

 

 “Demain, un gros score peut tomber, le genre énorme…”. “600 ?”, me disait-elle. “Non, pas encore, chaque chose en son temps, mais pas loin”. Voilà ce que je disais à ma compagne alors nous nous entraînions dans le calme hivernal de notre pas de tir permanent au boulodrome de Salaise-sur-Sanne, la veille de la compétition de Saint-Priest, pays lyonnais. Prémonitoire ?

Permanent ne signifie pas tirer tous les jours, cela signifie pouvoir tirer quand on le souhaite, et avec la découverte de ma nouvelle vie, je prends toute la mesure de cet élément crucial. Le sur-entraînement n'est pas la clé de la réussite, surtout au lendemain d'un parcours de vie qui laisse des traces. Je voulais ralentir la cadence, et c'est ce que j'ai fait, au bénéfice de la qualité et du plaisir de tirer un arc.

 

Reprenons le contexte, car un record n’est pas fait par hasard, du moins j’aime à croire en cette logique de travail, d’objectifs, et… de rêves. J’ai travaillé comme manoeuvrier, puis comme guetteur sémaphorique, sur les bateaux de guerre, dans les ateliers, dans les centres de sauvetage en mer pour finir dans les sémaphores. En même temps et avec comme seul aménagement une permission de participer aux compétitions internationales pour lesquelles je me sélectionnais. Les entraînements se passaient entre deux permanences de 24/48 heures, au lendemain de nuit travaillées, au rythme changeant. Les retours de compétitions se passaient au boulot, les départs en compétitions prenaient des allures logistiques dignes de VRP de méga factories. Toutefois, j’y croyais, la poudre aux yeux.

 

J’avais entendu dire que l’adversité était un allié des disciplines de recherche de précision comme la nôtre, et je l’ai vérifié à maintes reprises durant ces quatorze années.

 

Thumbnail imageA Lausanne, j’avais épuisé mes ressources pour finir sur ces trois dix marquant la fin de saison 2014 lors de la finale de la coupe du Monde FITA, en argent. Je savais que la déconnexion allait prendre le temps. Les porte-conteneurs océaniques ralentissent la propulsion à hauteur de la Bretagne Nord pour arriver à leur destination finale, Rotterdam, sur leur erre, en se servant de leur inertie comme économie d’énergie. Ainsi, ils arrivent calmement au port pour avitailler, et repartent après une courte escale.

 

Pour PJD, l’inertie était fracassante, j’ai coupé le moteur en septembre, j’ai pu stopper le 24 décembre et larguer mes conteneurs sur le quai, un seul quai… J’ai vécu des vacances d’hiver, Noël et le Jour de l’An, en famille et entre amis, pour la première fois sans prendre la route entre minuit et quatre heure du mat’ pour être à l’heure au taff trois cent ou neuf cent kilomètres plus loin. Mes affaires sont à quatre-vingt pour-cent sous le même toit pour la première fois depuis vingt ans, je vais avoir trente-trois ans.

 

Pendant cette période de vacances, je n’avais pas de travail à proprement parlé, je n’avais pas de flingue sur la tempe pour aller justifier d’un quelconque résultat, j’avais juste le droit de profiter des miens, en me reposant, en tirant, fonction de mes envies et besoins. C’est une période de fêtes, où le temps s’arrête, où le temps doit s’arrêter, quand l’on sait ce qu’il suivra en janvier et jusqu’en octobre 2015, quand on veut opposer une résistance véritable aux assaillants du rang de numéro 1 mondial.

 

Je suis heureux, je me suis reposé, et j’ai lâché mon téléphone, mon planning, mon ordinateur, quelque jours. J’ai pris mon arc de temps en temps, pour une heure ou deux, le temps de converser quelques volées avec lui. Jours de fêtes, mais pas d’excès, je gardais bien à l’esprit une chose : faire attention en raison de la diminution du nombre d’entraînements, rester en forme, reprendre de l’énergie. Le bon travail commence toujours par du bon repos, telle est ma logique de qualité. C’est une chronologie, chrono-logique, repos / travail -> repos… De cette manière, j’anticipe mon travail, et je suis efficace. Sinon, je rame, et je prends deux fois plus de temps pour mal faire.

 

Calendrier fixé, je reprenais le sérieux dans la journée du vendredi 2 janvier 2015 sans pression. Un premier entraînement assez raide pour casser la forme du canapé, un deuxième la veille de la compétition millésime 2015, réveil 6h et c’est reparti mon kiki.

 

Nous arrivons à la deuxième étape de sélection pour les championnats d’Europe qui se dérouleront à Koper en Slovénie fin février. Avec trois scores à 597 points, tirés dans trois configurations différentes, un arc sain et simple, ma confiance est excellente.

 

Le danger se situe ainsi au niveau du relâchement, le coup de collier doit être donné au bon moment, et sans aller brusquer la viande. On sait qu’il ne faut pas mettre la viande sortie du frigo directement dans la poêle, mais attendre qu’elle soit à température… Pour les muscles et pour la caboche, c’est pareil (n'allez pas vous mettre dans l'frigo, encore moins dans une poêle !). Le juste milieu se trouve à force d’expérience, et en faisant en sorte de trouver à l’avance des solutions aux problèmes qui pourraient éventuellement se profiler.

 

Trois étapes de sélection : 1/ Givors 597, 2/ Saint-Priest, 3/ Chennevières les 16 et 17 janvier prochains. Les dix premiers du classement à l’issue des compéts 1 et 2 peuvent s’engager sur la finale. Je n’aime pas les sélections, tout peut se passer même si on ne tire plus de 9… Alors je les prépare comme s’il s’agissait d’une inter, en pensant à l’inter, pour réussir en inter et gagner en inter. Mental, physique, matériel, tout est checké pour ne pas rencontrer de problème, ou pouvoir remplacer sans délai par une solution de secours.

 

 Réaliser six cent points . . . 6 0 0 . . . Le parfait, l’excellence, rêve ou chimère ?

L’avenir nous le dira.

 

Thumbnail imageJ’ai réalisé 599 points, à deux millimètres du plus haut score jamais atteint et rêvé de tous les archers du Monde. Un seul est arrivé à ce même niveau, Christopher Perkins, le canadien champion du Monde FITA à Turin en 2011. Un neuf à la dernière flèche… Je souhaite vivre l’adrénaline de cette dernière flèche, dans toute son intensité, pour pouvoir en parler, comme un rêve, ou comme une chimère.

 

A Givors, nuque bloquée deux jours avant, nuque brûlante sur la première série à 297, nuque me foutant la paix sur la deuxième série à 300 points. Je recevais les conseils de mon ostéopathe Philippe, pour arriver à me débloquer tranquillement sans me dévisser la tête et finir en SAV Black&Decker. Heureusement qu’ils sont là, nos #OstéoKiDéchirent ;-) Je veux bien vous prêter le mien, si vous le souhaitez !

 

Je décide de me présenter à Saint-Priest, où radio carquois m’annonce une belle salle, et où je sais que je pourrais tirer en mode “sélection” sans heurter les susceptibilités par ma tronche de porte de prison, alors que je pense “perf” et pas “social”, très égoïstement.

 

La prise de contact a commencé par question et petite demande de confort : je ne souhaite pas tirer sur des cibles de type Egerton (paille tressée, véritable m… pour tordre les tubes, le pire étant le combo plaque de stramit devant, Egerton derrière… A bon entendeur ;-)) et je ne souhaite pas tirer au piquet, contre le mur. Ma faveur a été très bien accueillie, la salle disposait d’un mur de tir tout neuf, et j’étais au centre de la salle, seul archer de ma vague en prime. Parfait.

Je n’estime pas ce genre de coup de pouce comme un privilège, mais plutôt comme une aide favorable à la réussite une fois sur les terrains de chasse, et Nîmes arrivera vite, par exemple. Le calme avant la tempête …

 

Réveil six heures donc, ouahhhh ça pique dur dur. Double dose de café, douche brûlante, parce que froide c’est même pas possible en hiver faut pas déconner…, et en voiture ! A l’échauffement, des neufs, mais qu’est-ce que j’suis raide !!! Je ne perds pas mon sang-froid, l’arc me plaît bien ce matin, même s’il m’en met plein les épaules, le décocheur aussi d’ailleurs, même si j’ai encore quelques modifs succinctes à opérer (##PUB## Oui, ceci est un message subliminal ##PUB##).

Ca commence par le discours d’accueil du Président, qui n’oublie pas d’annoncer que je suis en sélection et qu’il faut me laisser tranquille… Merci, monsieur le Président… Super gentil, et si je l’avais oublié, c’est bien en tête maintenant, alors au boulot mon gars !!!

 

Thumbnail image*Mode sniper activé*… Je ne lâcherai pas tant que le point de visée ne sera pas plein fer, et tout parfaitement aligné, les neufs c’est nul. Totalement obstiné par le fait de ne pas arriver à produire le geste léger et parfait que je recherchais, sans oublier ma visée, je tirais chaque flèche à deux mille pour-cent. 

 Entre les volées, *Mode geek activé*, je gratte mon téléphone, je me détache de la performance, et comme mes potes de cibles ont voulu compter… J’en profite pour poster une photo du spot bas sur Facebook… Il me fait penser à Bart, ou à Wilson dans le film Seul au Monde… Je me marre encore pour cette ânerie que les Facebookiens ont très bien accueilli !

 

Thumbnail imageDix volées plus tard, blason propre, on distingue bien la précision atteinte. Un 9 bas sur l’échauffement, et le reste dans la gamelle. 300, le troisième de ma carrière, le deuxième de cette saison. Seulement celui-ci ne prenait pas une tournure identique, je n’ouvrais qu’un tout petit signe de victoire sur cette dernière flèche pleine balle. J’en voulais plus, et celle-ci n’était pas une finalité. C’est l’heure de la pause, annoncée pour vingt minutes, ce qui est très bien et amplement suffisant pour reposer les choses, compteur à zéro. J’étais calme, et au calme.

 

 30, 60, 80, et je lâche une flèche d’une façon un peu plus souple, la main de corde plus verticale, et la sanction est immédiate, petit 9 de rien du tout. Ok, je reçois l’information normalement, et je vais enchaîner, car il reste un record à prendre, le national et l’européen pour égaler le mondial. Je n’avais pas de pression, je n’étais pas sur un nuage, j’étais bien présent et attentif à chaque détail qui compose mon tir, il s’agit maintenant de résister aux assauts de la caboche qui viendra probablement me dire que je peux très bien réaliser un autre 9, et que ce sera bien aussi comme score, ou bien relâcher un peu la visée, car après tout, un 10 reste un 10, baveux ou non.

 

Thumbnail imageC’est donc en lisant les commentaires sur Bart et Wilson en me marrant que j’ai continué à tirer mes 10, pour arriver à cette dernière volée. Changement de décor, j’étais presque en colère avant d’entrer, j’anticipais littéralement une mauvaise flèche de *Mode Cracker* avant même de l’avoir tiré !!! Des flèches comme ça, j’en ai trop connu, et en ce jour de première compétition de l’année, je n’avais pas envie que mon arc ou tout autre objet rencontre le mur, ou pire, la tête d’un autre archer… (Riress… La tronche de l’image, j’ai honte !)

Je tire la cinquante-huitième flèche en lâchant toute la colère que j’avais emmagasiné sur les précédents acte-manqués. L’arc en a pris plein la butée, à mort sur l’index, le décocheur back tension devait recevoir une forte pression pour déclencher, il a reçu, 10. J’étais plus détendu, mais très concentré et attentif à toute la séquence de tir pour la cinquante-neuvième flèche, avec une petite adrénaline venant chatouiller la nuque et les épaules. Je respire bien par le nez, étire les muscles de poitrine et de cou avec de grandes respirations par le nez, basculant la tête en arrière, je sens l’air frais passer dans mon corps, je tire, 10.

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La soixantième et dernière flèche, je repensais à mon ami Sergio Pagni, le Serial Shooter Italien, multi-médailles multi-titres. Nous parlions de Las Végas et de ses fameux 900 points. Nous avions le même sentiment sur ces dernières flèches, celle du 900, ou celle d’un record, d’une victoire : il ne s’agit pas de pression, il s’agit de romantisme…

Alors, je sais être capable de tirer un 10 à la demande, encore plus depuis que j’ai décidé de le vivre pleinement. Cette dernière flèche, était un symbole de réussite, une grande victoire, et une attestation de bon choix. J’ai réussi à faire les bons choix. Je n’ai pas décidé de faire 599 ou 600 points cette année, je l’ai décidé il y a trois ans, alors que je commençais à rejoindre les 597’s club. Depuis, je n’ai jamais perdu de vue ces scores astronomiques, je m’y suis consacré entièrement et sans concession. Avec persévérance, ambition, rêve, en rencontrant aussi la déception, souvent, je suis arrivé à conclure une étape, moins un point.

Ne pas être lent, ni rapide, le curseur tempo doit être parfait et dans ce cas une visée imprécise sera compensée par l’automatisme de la gestuelle bien rythmée, faire confiance, apprécie maintenant…  ... 10, c’est fait. Je sers le poing, pour tous ces points, je serre les dents de cette conquête achevée et peu à peu le DJ qui se trouve dans ma tête remettait le son progressivement pour entendre les archers de la compétitions s’écrier, puis les voir se tenir tenir debout derrière moi, les visages illuminés par la joie de partager ce beau moment de tir à l’arc ensemble. Je découvre le visage de ma compagne, heureuse et liquéfiée, et son neuf dégueulasse de dernière flèche tirée en même temps que la mienne. C’est ainsi que la montagne de dix se transformait en expérience humaine ce dimanche 4 janvier.

 

Thumbnail image“Madame l’arbitre s’il vous plaît, c’est pour une homologation de record de France, voire d’Europe, si la compétition peut être prise en compte par la commission”. C’est le deuxième record que je lui demandais d’homologuer, après le 713 en FITA. Je vais surveiller les concours où elle arbitrera…! Le terrain mesuré, la hauteur du blason vérifiée, la feuille de marque est conforme, tout est en ordre pour la paperasse adéquat.

 

Pour l’Europe, la compétition doit être inscrite au calendrier international, et le sujet est soumis à discussion alors je vais attendre la décision du comité, wait and see… L'entraîneur national mène l'enquête !

 

Thumbnail imageDédicaces, sourires, photos, une effervescence autour d’un évènement vécu ensemble alors que, je n’ai rien entendu de toute la compétition… Pas un bruit, pas un “ça marche Pierrot ?”, rien, le calme à l’état pur, je ne peux que saluer cette grande marque de respect que m’auront témoigné les archers présents ce jour. Ils auront tenu jusqu’à ce que la dernière flèche atteigne sa cible pour faire sortir la pression et bousculer ceux qui n’avaient pas encore terminé leur volée. Veuillez, si vous faites partie de ces archers, accepter mes excuses en leur nom à tous, mais reconnaissez que ce fût un moment singulier, inédit, et merveilleux qui valait le coup de le vivre pleinement au moment clé ! Je ressentais l’attention portée sur ma cible tout au long de la compétition, et je transformais celle-ci en source de motivation pour bien faire. Une équipe bien coordonnée, merci pour m’avoir offert ce moment live, pour avoir respecté la réalisation de cette performance mondiale et de l’avoir rendu si vivante.

 

Thumbnail imageElle se terminait par une coupe de champagne tenue au frais par le club Arc-en-Ciel-Saint-Priest, au cas où… Ensemble, nous avons pu apprécier un peu plus longtemps ce moment, en parlant de mes impressions encore très discrètes, et des ressentis des archers-spectateurs. Cela restera en mémoire, respect, sympathie, communication, joie et partage, pfiouuu… Merci, et encore merci…

 

 Prochaine étape 600 ? 

 Pas exactement. La prochaine étape sera de tirer cinquante-neuf dix d’affilée, et de rencontrer madame la soixantième, et d’en faire un rêve réalisé, ou une chimère. Aussi faut-il pouvoir retrouver des conditions de tir identiques, où je me trouverai dans une forme, un réglage, une ambiance et une salle permettant la réalisation d'un nouveau record. Tout est encore à faire, et à re-faire, pour arriver à l'étape ultime... 600 sera une étape à part entière, qui ne durera qu’une seule flèche… Avant cela, cinquante-neuf flèche doivent être tirées plein centre, et y arriver. J'ai cependant une archive "dossier" que je révélerais si j'arrive à ce niveau ;-)

 

 Les records sont des usines à motivation et à confiance, ils offrent de l’assurance et affiche un niveau de performance auprès de la concurrence. Cependant, ils ne sont pas des médailles ! Je ne cours pas après, il arrivera s’il doit arriver, entre deux médailles. Dans les deux cas, il faut pas courir après le chat, à la fin, c’est lui qui gagne. Calme, il viendra tranquillement nous bercer de son ronronnement inspirant la sérénité et le bien-être.

 

 Maintenant, le programme se densifie. stage et compétition parisienne le weekend prochain, suivi de la sélection finale à Chennevières le suivant 16/17 janvier. Nous arriverons vite à Nîmes, où je serai prêt pour vivre l’évènement et ce tournoi qui m’est cher. Las Végas se pointe juste après, sous quinzaine, et les championnats d’Europe. Ca y est, nous sommes début mars et les arcs passeront à l’extérieur…

 

En attendant, je vous souhaite une très belle année 2015, qu’elle vous apporte la joie et la sérénité que vous recherchez, en famille et entre amis. Rendez-vous sur les pas de tir ici ou ailleurs, au plaisir de vous rencontrer et de partager d’autres moments aussi intenses que celui du dimanche 4 janvier 2015.

 

Meilleurs voeux, et beaucoup de bonheur à mes lecteurs assidus, et toujours très sympathiques à lire ! A bientôt !

 

Crédits photos : Eric Sanchez et Frédéric Barry.

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