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Nîmes 2015 : Pile, ou face ?

Ce tournoi est certainement la compétition la plus difficile au monde, son format et son taux de participation ne laisse aucune place à l’erreur, à l’imprévu, ou à tout autre évènement survenant contre la réalisation d’une performance. Il est le premier grand rendez-vous de l’année, ses finales sont un réel spectacle, son ambiance et son salon en font un must pour notre sport en Europe et en dehors de nos frontières. Il attire le monde entier, des USA à la Corée, de l’hémisphère Nord à l’hémisphère Sud, les fédérations, les business team, les équipes nationales, les archers professionnels, les fabricants et sponsors officiels.

 

 

9814 10152701437423403 2348103532048122818 nDépart, vendredi 23 janvier au petit matin pour entrer dans l’univers du tournoi mondial le plus relevé de la planète. Nîmes… Je n’oubliais pas mon attirance pour ce défi annuel qui revenait de sa pause pour le championnat du Monde en salle au goût très amer, l’année dernière. Ce tournoi est certainement la compétition la plus difficile au monde, son format et son taux de participation ne laisse aucune place à l’erreur, à l’imprévu, ou à tout autre évènement survenant contre la réalisation d’une performance. Il est le premier grand rendez-vous de l’année, ses finales sont un réel spectacle, son ambiance et son salon en font un must pour notre sport en Europe et en dehors de nos frontières. Il attire le monde entier, des USA à la Corée, de l’hémisphère Nord à l’hémisphère Sud, les fédérations, les business team, les équipes nationales, les archers professionnels, les fabricants et sponsors officiels.

 

Il soulève cette année les questions restées en pensée depuis de nombreuses années. qu’elles sont-elles, quel est mon point de vue, comment suis-je arrivé à décrocher cette médaille de bronze ?

 

C’est parti…

 

***

 

Commençons par jeter une pièce en l’air… Pile, 10. Face, 9. Attendons le résultat en croisant les doigts pour que la chance bascule de notre côté. Tirer une flèche de diamètre 9,3mm maximum dans une cible en mousse, au travers d’un papier imprimé au couleur d’un blason. Ce papier sera soumis aux contraintes d’une flèche se pointant à plus de 250 km/h dans une matière souple se dégradant au fil des impacts. Le doute sera levé par un oeil unique, sans recours possible, au travers d’une loupe, en lisant une reconstitution de cordon laissée à l’appréciation d’une seule personne bien embêtée de travailler à partir d’une surface mobile, clouée, où l’imaginaire hasardeux prend de plus en plus de place. 

 

24012015 IMG 7217Le règlement en vigueur ne tolère guère la manifestation d’un quelconque avis en la matière, d’ailleurs, il n’a pas sa place, puisque l’arbitre est responsable du blason. Les archers passent des jours entiers à régler un matériel de précision, affinent leurs techniques à l’allure d’une horlogerie Suisse, pour que le résultat de ce travail soit effectivement lu sur ce papier imprimé, cloué, sur une surface molle possédant la mémoire de forme d’un vitrail rencontrant une pierre.

 

Le jeu consiste alors à tirer soixante flèches pour classer, et réaliser un tableau tant bien que mal, “à la pièce”, pour départager les nombreuses égalités concentrées dans une petite dizaine de points pour une bonne trentaine d’archers.

 

Viennent ainsi les matchs à élimination directe. Si une dizaine de points séparait le premier du “dernier” du tableau principal en soixante flèches, il s’agit désormais d’augmenter le hasard de ce jeu de précision en divisant par quatre le nombre de flèches, en tête-à-tête. Autant signifier que la valeur du point est multipliée par quatre à chaque lecture d’un cordon.

 

On ajoute à ce jeu de billes les meilleurs archers du Monde, sans limite de talents parmi les nations les plus fortes, une catégorie qui vient d’atteindre le score parfait dans une pièce de dix centimes d’euros… On terminera sur le constat indéniable d’avoir des archers professionnels sur cette ligne de tir, ou des archers semi-professionnels, qui quelque part viennent gagner un part de gâteau sur cette assiette cartonnée. Le charpentier ne travaille pas avec un marteau en mousse.

 

Il s’agit d’un constat, et ce n’est pas la première fois que j’écris à ce sujet. Seulement cette année, il y a eu 598 points, de multiples 597, une fois 599 et enfin, le 600 sur 600 de Mike Schloesser (Hollandais). Le “X” de l’arc à poulies ne résiste plus à la perfection pour un archer, et le 600 sera reproduit encore et encore. L’impact de ce nouveau record du Monde est une réflexion profonde et actuelle sur le format de blason, de ciblerie et de compétition de notre catégorie. C’est un sujet très important et très complexe. Il faut composer avec le règlement de chaque pays, le règlement international, l’olympisme, les médias, les finances, les archers. Le règlement doit être adapté, et juste. La ciblerie doit être accessible à tous et en rapport avec le niveau de performance de la compétition. Le blason doit être visible par tous, pédagogique, logique et cohérent. World Archery travaille ardemment sur ce sujet, l’évolution arrive, et tous les archers poulistes sont concernés. 

 

Différentes pistes peuvent apparaître, avec un blason de 40cm traditionnel où le X compte 11 points, ce qui signifie l’ajout d’une zone pour l’arc à poulies, soit la réduction de la taille de ce jaune tellement immense. Ou bien une réduction de la taille générale du blason, en restant visible par tous, et avec une réévaluation de la proportion des zones. Et, une évolution de la réglementation internationale, donc nationale, pour ce qui est du jugement. Par exemple, les archers sont responsables de leurs blasons aux USA. En cas jugement d’un cordon illisible par l’arbitre par mauvaise fixation en cible ou mauvais état général, le point inférieur sera automatiquement attribué. C’est du bon à venir, et je suis heureux d’écrire une telle évolution en pensée pour renvoyer l’effet miroir du soucis de précision que nous recherchons au pas de tir, en cible.

 

Après avoir réalisé 599 points première quinzaine de janvier, je sentais que la recordite laissait place à la championite. Pourquoi ?

 

Atteindre un tel niveau de performance est une réalisation d’objectif, un dépassement de limite, il est suivi automatiquement, de façon programmée, d’un relâchement. Je suis dans ce cas volontairement. Je reproduirai cet objectif plus tard, et il arrivera sans être commandé et “ajouté au panier”. Je suis certain de ma capacité à rejoindre le score parfait, mais il faut être “câblé” pour ce faire. Ce n’est pas à Nîmes que je pouvais le faire, certainement pas : attendu après un 599, numéro un mondial, un des favoris du tournoi, une concurrence de fou furieux, une nouvelle édition après une année sans votre tournoi, les stands, les sponsors, mon soucis de disponibilité… “Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne”, tout vouloir en même temps représentait le risque de mettre un terme à cette succession de performances subitement. Hors de question.

 

Aussi, il est désormais question de matchs. Quinze flèches, pas soixante, contre les archers les plus talentueux du monde, ils donnent tout pour produire un match de qualité contre moi, tout comme ils le feraient contre Mike, Reo, Martin, Peter, Sergio, Dominique, Sébastien et tant d’autres… Arriver avec un record en tête en plus de tout le reste me placerait dans un stade critique,  borderline émotionnellement, et c’est un risque que je ne voulais pas prendre en me collant une pression phénoménale du “pas le droit à l’erreur” dès le départ. 

Les qualifications ne sont pas mises en valeur. S’il était dit que le premier sera automatiquement sélectionné pour la finale (comme cela se joue d’ailleurs pour le Lancaster Archery Classics en Pensylvanie américaine), remporter les qualifications prendrait un autre cachet. Ce n’est pas le cas.

 

mikePrenez Mike par exemple : il tire 600 points #YaPasdeNeuf. Ensuite il envoie 150 points sur son premier match. Si son adversaire lui aussi tire 150 points, possible puisque les 590 points sont monnaie-courante à Nîmes, ils sont au barrage, dans une cible en mousse déjà bien amochée après quatre départs, au travers d’un blason en papier, flottant et cloué. Ils seront départagés au pied à coulisse… Mike pourrait très bien finir 17ème en ayant réalisé le score parfait… Pour cette raison également, Nîmes est la compétition la plus difficile, et une des plus arbitraire.

 

Avant de revenir sur la compétition même, je souhaite faire une parenthèse sur le record d’Europe qui n’a pas été homologué par World Archery Europe, enfin si, il l’a été, puis non, ou bien est-ce bon ? Je ne sais plus… Et vous ?

 

Frustrant n’est-ce pas ? Qu’importe, c’est un beau record départemental ;-) Hahaha !!! Il est bien homologué au niveau national, et j’ai reçu les sincères félicitations de notre président de fédération et directeur technique national. Par contre, je n’ai rien reçu de la fédération européenne, ni mail d’homologation, ni de retour à la case départ après publications officielles et médiatiques… Quelle vitrine !!! On entre vraiment dans un domaine qui me tient à coeur : la c o n s i d é r a t i o n. Le respect est encore autre chose, tandis que la communication est réellement l’essence d’une affaire qui roule.

 

Thumbnail imageSi j’étais surpris d’apprendre une telle homologation européenne de façon si brève, je l’étais moins pour sa suppression. La compétition de Saint-Priest n’était pas une compétition inscrite au calendrier international, dite “Target”. Il s’agit d’une démarche administrative visant à promouvoir les compétitions se situant dans les contrées les plus confidentielles sur le calendrier sportif de la World Archery. De la même manière, les records internationaux peuvent y être homologués, mais c’est tout, cela ne signifie pas que les arbitres doivent être internationaux, ou que la compétition devient internationale, ce n’est qu’une histoire de visibilité. Cela a un coût, douze euros, ou bien est-ce cent, ou trente ? La confusion est troublante. Messieurs, éclairez ma lanterne, je laisserai peut-être un sou.

 

Les avis et messages “il te passe sous le nez celui-là”, “dommage”, “tu le feras en inter”, “il y en aura d’autres”, me laissent perplexe, et me démontrent une certaine lacune dans ma démarche d’écriture. Peut-être ai-je mal exprimé mon opinion au sujet d’un record ? Nombreux sont ceux qui n’ont pas compris, pensant piquer ou brancher Pierrot qui voulait être le premier à réaliser 600 points. Je n’ai jamais dit que j’allais être le premier, j’ai dit “mon objectif est de réaliser 600 points, et de le reproduire derrière encore et encore. Il ne me passe donc pas sous le nez, je n’ai pas terminé ce que j’ai commencé.

 

Ce n’est pas dommage, c’est une performance magnifique que je salue pour l’investissement qu’il représente, pour l’engagement qu’il a demandé, pour l’archer très talentueux qu’est Mike que j’apprécie en tant archer, mais aussi en tant qu’homme, ce qui prime d’abord à mes yeux. Ce n’est pas dommage, j’ai réalisé 599 points, il suit avec 600, nous sommes européens. Chacun d’entre nous est une marche pour aider l’autre à grimper un peu plus haut. Je lui ai certainement servi de marche-pied pour atteindre ce niveau, et il va me servir, comme à d’autres, pour le rejoindre dans le club des 600, car il y en aura un. Ce n’est pas dommage, car au-delà de la performance, atteindre cette limite est synonyme d’évolution de notre format. Il faut pouvoir motiver les troupes par de nouveaux défis, de nouveaux records doivent venir pour cette pratique, le changement peut déjà se sentir. J’en suis une nouvelle fois, heureux. Merci Mike, à charge de revanche ;-)

 

Non, je ne le ferai pas en inter, je le ferai quand il se pointera, je ne l’ai pas ajouté à mon panier de commande en ligne en donnant mon numéro de CB à Target-online. Il arrivera pour la première fois quand je serai prêt, quand tout le reste sera prêt, si un jour je suis prêt. C’est ça un record, il est imprévu même s’il peut se sentir, il n’est réalisé qu’une fois la quête achevée et quel que soit le niveau où se situe VOTRE propre record. Non, il n’y en aura pas d’autres. Si un athlète bat successivement dix records du Monde, il recevra successivement dix fois les récompenses pour ces dix records, et pas uniquement le dixième, ou les neufs suivant le premier pour lequel, “les autres”, n’étaient pas prêts à le recevoir. On n’aura jamais entendu un sauveteur dire à un naufragé “veuillez réitérer votre demande ultérieurement, nous ne sommes pas disposés à honorer votre sauvetage”. Et enfin, avant de penser à la publication officielle et publique de nouvelles du genre, on pensera bien qu’en terme de communication et règle de bienséance, les acteurs directs de l’objet de la communication seront informés avant la sortie. C’est encore une logique, avant d’être dehors, nous sommes dedans. C’est toujours agaçant de devoir retourner chez soi une fois sur la route, porte-feuille oublié, et passer pour un idiot auprès de son rendez-vous. Vous n’êtes pas d’accord, que l’on en parle d’abord, point barre.

 

Rien à faire, j’ai beau ne pas essayer, je ne changerai pas … pas sur ce point. Je reste fier, heureux, de la performance réalisée avec 599 points, le record de France reste à un seul point du record du Monde, soit du parfait. Soyons chauvins, et continuons.

 

Nous sommes à Nîmes, le vent décorne les boeufs, et la température pique un peu, c’est bien ici en janvier. Nous sommes tous content de tirer en salle, encore plus. Nous retrouvons “notre” tournoi, ce rendez-vous important pour les uns et les autres qui fait notre bonheur pour les rencontres, le salon, les champions, les amis retrouvés… tous, dans le même évènement…mondial. La musique ambiante, la moquette bleue d’un côté, rose de l’autre, un salon où les produits peuvent encore sentir l’huile de graissage des machines, les exposants souriants, les archers aux yeux qui pétillent, les enfants qui s’exclament, ou bien restent discrets et un peu intimidés par tous ces arcs et tous ces champions… Trop c’est trop, pour les petits et pour les grands aussi. Telford avait tenté de reprendre cela lors du championnat du Monde, mais Telford n’était pas Nîmes, et le mondial n’était pas Nîmes non plus. Là, c’est le tournoi aux mille sourires et mille étoiles…

 

Le bruit des impacts de flèches en cible ne cesse jamais, il y a toujours un commentaire sur un archer en train de réaliser un coup d’avance sur le peloton, toujours un petite musique avec certains morceaux que nous avons chanté dans notre bagnole, comme des couillons (ou pas) qui viennent bercer notre oreille et nous rappeler que nous passons un bon moment. Il y a des arcs partout, des trucs de tir partout, des archers partout, nous sommes plus d’un millier dans un parc d’exposition en costard nous accueillant pour trois jours de tir à l’arc. Mentir serait de dire que je n’aime pas ce tournoi… Il m’offre quatre médailles individuelles, une d’or, une d’argent et deux de bronze, en plus d’une tonne de souvenirs que je vous avais déjà conté, un peu, parmi quelques notes. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est le contact. Les archers modestes tirent à côté de champions, j’étais de ces archers modestes moi-aussi, et j’ai tiré à côté de grands champions à Nîmes, et uniquement à Nîmes ! Le décor renforce le souvenir, et embellit les photos. Les mots glissent tout seul, l’écriture est facile, rapide et tellement agréable pour reparler à nouveau de ce tournoi qui est une franche réussite.

 

Thumbnail imagePour moi, Nîmes, cela signifie entrer dans le parc des expos, faire deux mètres, m’arrêter cinq minutes et discuter. Dans la demie heure qui suivait, j’arrivais sur la stand Arc Système, ou Hoyt, ou Easton, ou Axcel, ou Pilla, ou FBS, ou ADesign, pour faire mon job de représentation, de présence, de conseil, ce job que j’adore. J’ai croisé tant de sourires et d’étoiles dans les yeux que vous m’en avez offert jusqu’à l’année prochaine (pas de date limite, mais le réservoir s’agrandit !!!). Punaise, ça vaut le coup de se décarcasser, pour vivre ça, ce contact… Merci, ces moments étaient superbes !

 

Ensuite, cela veut dire aussi que je ne dois pas me laisser partir trop loin, car l’arc ne me pardonnera pas un seul écart… Cut des 32 archers du tableau principal à 587 il y a deux ans, il sera plus haut cette année. . .

 

 

!!!  3 1  !!!

C’est le nombre d’archers à 590 points et plus !!!

 

C’est un truc de méga furieux, fous et délurés !!! Frapadingues du X, 331 archers dans la catégorie arc à poulies hommes. Près de trois cents archers seront du tournoi secondaire pour aller chercher le 120 et un prix matériel. Tout le monde tire, ou accompagne un tireur, le lien est bien présent, et on a de quoi s’occuper, et de quoi raconter. Faire partie des 32 prend l’allure d’un Shoot-Off à Las Végas, ceux qui ont tiré les 900 sur 900 sur le gros 10. Pas d’erreur, sinon dehors.

 

Thumbnail imageSamedi matin, après un méga p’tit déj, j’arrive vers 09h45 dans la salle, et donc une demie-heure plus tard dans le stand Arc Système, vingt mètres plus loin. Je pose ma veste et je continue à croiser ces regards remplis de gentillesse, à signer des casquettes et des posters, à répondre, être simplement présent ici et vivre ce tournoi en plein coeur. Le tir commence samedi 11h30 pour bibi, un peu dans le dur au départ, tendu le Pierrot. La bloblotte avait commencé deux jours avant le tournoi, elle ne s’est pas calmée bien au contraire.  Une bonne vingtaine de minutes avant l’échauffement, j’accroche ma ceinture de carquois, j’ajuste ma casquette, sac sur le dos, arc en main, ma vue se resserre et je passe en mode incognito, je ne vois personne d’autre que mon tout premier cercle, direction le pas de tir sans halte, et sans hâte.

 

Dans une lucidité feutrée, j’attaque en ne prenant pas garde qu’une de mes flèches avait un petit défaut de rectitude, et j’ai mis quelque volées à coller à mon habitude de faire tourner mes flèches systématiquement sur un doigt pour vérifier l’absence de vibration. A la cinquième, déjà trois neufs, je fais tourner et … merde. Je fais quelques pas vers ma #Nanakidéchire au regard bien inquiet pour lui tendre la flèche, elle a compris, #MonHommeCeBoulet ;-)))

 

Sur les quinze prochaines volées, une seul neuf à inscrire sur la feuille de marque lors de la deuxième série. Cette flèche, mal préparée, mal armée, mal visée, “pouvait faire un neuf”, et oh stupeur, elle s’est planté dans le neuf… #Idiot !

 

Thumbnail imageJe tire 596 points, je suis classé quatrième… Le premier est à 600, le deuxième à 597, le troisième à 596 comme moi. Pourquoi ne suis-je pas troisième alors ? La plus haute série ? Non, elles sont identiques… 297 - 299 pour Jesse Broadwater et moi. Peut-être est-ce pour ne pas que les européens trustent les trois premières place des qualifications ? “A la pièce, pile ou face ?” Et ainsi de suite pour les quelques 595, 594, 593.. à égalité, il faut faire rentrer trente archers dans sept points pour le tournoi principal…

Bien, je sécurise ma place dans le haut du tableau en prenant part au dernier départ, juste après l’effervescence du 600 de Mike. Avec une première volée à 29, au moins, c’était cuit et je pouvais directement me consacrer au capital confiance qu’il allait m’être nécessaire pour les matchs de l’après-midi, trois heures après la fin des qualifications.

 

Alors que vaut-il mieux faire ? Partir de la salle ? Rester et dans l’ombre ? Rester et vivre l’instant ? Choisir un autre départ que ce dernier pour la prochaine édition ? Avec le dernier départ, on accepte que les performances tombent au fur et à mesure pour ne pas se dire “je n’y arriverai jamais” ou “ça va être chaud” pour préférer “je me glisserai quelque part par là après avoir réalisé complètement mon tir”. Il faut bien entendu raisonner individuellement, et pas à 331, après il y a trop de monde dans une seule tête.

 

Je suis resté, et j’ai profité de l’instant dans une belle partie de plaisir, de rigolades et de branchades dans les stands. J’ai adoré me mettre dans cette peau, en prenant bien soin de toujours rester hydraté, en mangeant un peu de temps en temps. Le stress omniprésent rend le miam difficile, mais il faut manger, un peu, de temps en temps. Pas de déjeuner pour bibi donc, mais tellement de positif emmagasiné dans cet après-midi que la force était là pour m’aider.

 

Le programme annonce l’échauffement des matchs à 18h30. A 18h00, je file me prendre un petit café et je me prépare à rentrer en mode matcheur. Au passage je vérifie les horaires sur les résultats brackets officiels imprimés et affichés dans l’emplacement prévu à cet effet. Je lis “18h10”. Mince, pas le temps pour un café, je file. Téléphone alors en main pour checker quelques messages et mails, j’étais en mode “ne pas déranger”, comme souvent lorsque je tire. Je reçois alors de visu un texto de mon entraîneur Benoît Binon “échauff’ en cours, dépêche”. Putain !!! Je croise Mike qui saute de sa chaise au café et fonce vers le pas de tir. Je file vers le stand récupérer mon arc, rush vers la ligne de tir pour choper la deuxième volée. Ouf, ça va ! Il en reste quatre à tirer…

 

Ianseo annonçait 17h40, le programme 18h30, le tableau de match 18h10. Alors, on doit prendre combien de temps de retard, ou d’avance, pour connaître le chmurtz ? Sans conséquence, le palpitant déjà omniprésent était une habitude, je n’étais pas à une dizaine de battements de coeur près… L’échauffement se passe bien. Les compteurs à zéros, les qualifications ne servent donc à rien d’autre que de figurer parmi les trente-deux. 

Trente archers compris dans sept points, on garde le même nombre d’archers et on divise par quatre le nombre de points d’écart potentiel : 7 / 4 = 1,75 point. La flèche de barrage sera donc l’élue pour départager les archers, et ce fût mon cas dès le premier match contre le norvégien Andreas Darum. 148 chacun, il tire 10, je snipe et ça marche, #CaTouchePasLesBords. 

 

Match suivant, je rencontre l’espagnol Alberto Blazquez, un chic type. Nous nous apprécions beaucoup, ce n’est pas la première fois que nous matchons, ni d’ailleurs que nous discutons entre copains. Place au match, de belles flèches ont volé de chaque côté de la cible, je remporte de rien du tout ma place en quart de finale, 149 à 148.

 

En quart de finale, je rencontre pour la Nième fois Martin Damsbo, le danois. Le tir se détend un peu, les épaules se libèrent plus facilement pour aller chercher un temps de visée plus long, juste histoire que la tronche comprenne qu’il ne faut pas rater la gamelle. 14/15, 149 et c’est gagné sur la dernière flèche du match, Martin scorant 148. Chaud patate tout de même ce jeu de furieux…

 

Thumbnail imageArrive Mike Schloesser en demie finale. Il est chaud, ça tombe bien, moi aussi ! Le tir s’enchaîne rapidement seulement quelques minutes après la fin du match précédent, l’organisation est parfaitement rodée. Je tire la première flèche dans un blason tout neuf, demie finale oblige, disposé au centre de la cible en mousse. A l’impact, je vois le blason se déformer, ombre et lumière, ma flèche est plutôt pas mal et je vérifie d’un coup de jumelles. Merde, c’est limite et c’est gondolé. “Bon, il en reste quatorze, en avant”. La deuxième est pleine balle et déforme encore un peu plus le blason. La troisième part bien et se plante dans la zone X, cela devrait passer… Et bien… Non.

 

Je regarde mes flèches, sur la première le blason est clairement décalé, on peut voir la déchirure au niveau des clous, le tube est un chtouille loin, c’est 9. La deuxième gondole complètement le blason mais ne fait pas de doute, elle est vraiment plein fer. La troisième flèche est dedans, ou plutôt dans un X en forme de cacahouète bien galbée. Reconstituer un cordon à la loupe, ou à la louche, en 2D, échauffe déjà les esprits… Alors en 3D, c’est la fête. J’ai râlé. 

 

Oui, je ne dois pas contester la décision d’un arbitre, et je n’ai pas contesté cela, j’ai contesté le fait d’avoir accroché un blason de demie finale à-la-va-vite, mais je sais bien que faire du bon avec du matériel obsolète devient aléatoire. Donc je ne râlais pas contre l’arbitre, ni contre le bénévole qui s’est donné tout le weekend pour offrir un tournoi si prestigieux, mais contre ce système qui m’agace, que l’issue concerne ma réussite ou celle d’un autre. Vivement que ça change. 

 

Thumbnail image28, c’est le score affiché sur ma cible en revenant tête basse, grognard. Reprise de l’arc en main, Mike a tiré 9, un seul point nous sépare et je peux encore prendre l’aspi pour doubler. Je colle au train pour reprendre l’égalité la volée suivante avec TEN TEN TEN contre 29. Reste neuf flèches. Huit auront touché le X. Neuf pour Mike, cela sera la petite finale pour moi. J’étais heureux de pouvoir atteindre ce stade de la compétition compte-tenu du hasard que le format représente, heureux de pouvoir jouer le lendemain sur ce magnifique terrain de finale, son et lumière spectaculaire, devant les gradins nîmois bondés de spectateurs n’ayant qu’une envie : en profiter de pleine voix…

 

Deux idées en tête : arriver en finale avec le risque de la perdre comme en 2013 contre Réo Wilde, ou gagner la petite finale. Je n’accédais pas en finale, il me restait donc la victoire en petite finale… Une idée très claire, pourtant l’affaire n’était pas encore bouclée. La réaction mentale et physique une fois un pied de chaque côté de ligne de tir, sous les projecteurs, est toujours inédite, singulière.

 

Dimanche matin, après une nuit au sommeil de plomb et toujours un méga p’tit déj, je rejoins la salle pour une heure dans les stands. Le match est programmé à 13h10, pas de doute cette fois. J’ajuste ma casquette et accroche ma ceinture de carquois à 11h15 direction la salle d’échauffement, annexée à la grande salle des finales du Parnasse. Je voulais remettre de l’ordre dans le tir. Je n’avais jusqu’alors pas retrouvé mes bonnes sensations dans l’arc, en tirant un peu dans le dur tout du long.

 

Quelques flèches et trucs de Pierrot plus tard, j’étais stable, fort et précis. Ce n’est que l’échauffement, une fois dans la lumière les choses sont bien différentes… La vision est troublée, l’équilibre est retourné à la maison, les bras sont en mousse, les jambes aussi, et les chaussures sont à bascule. L’énergie est proche du zéro, l’ouïe est multipliée par dix, j’entends tout, je reconnais les voix, et tous ces mots d’encouragement. Avec cette lumière, les tribunes sont dans l’ombre et je ne vois rien que du noir, des ombres en dehors des couleurs du pas de tir magnifique. Entre deux flèches, je traverse la salle et je prends quelques repères. Ces quelques images me serviront pour reproduire l’environnement sur mes dernières flèches de chauffe.

 

Thumbnail imageJ’avais demandé à Sébastien Brasseur de m’accompagner sur le pas de tir, et à Fabrice d’être mon agent en cible. La fine équipe pour me mettre dans les meilleures conditions. L’entraîneur national Benoît Binon était au micro, passant quelques messages subliminaux de temps en temps, n’était pas très loin non plus. Je savais où était assise ma #NanaKiDéchire au milieu du Clan, j’étais prêt pour le rush des quinze flèches dans la tempête.

 

“Dernière volée pour les poulies dames”, leur match se termine. Mon adversaire américain Chance Beaubouef et moi nous présentons à la porte des coulisses. Chance est un grand champion, en plus de son fair-play, de sa sympathie, son palmarès et sa technique font de lui un sportif émérite. Il remporte l’unique championnat du Monde auquel il se présentait en 2009, il a remporté trois fois le mythique Vegas Shoot, pour ne parler que de ces compétitions.

 

Nous entrons, et j’en prends directement plein les oreilles. La speakerine (Benoît) annonce les archers en respectant le classement mondial, le plus haut classé en dernier. “Il vont crier”, je suis déjà dans le match. “Joue le jeu, profite”, conforme au conseil du coach me rappelant pourquoi j’aime tellement les arènes, être acteur me libère du stress intense.

 

Thumbnail imageLes premières flèches, je les ai tirées dans une tempête de viseur maximale, un incroyable ouragan traversant le corps tout entier comme un courant électrique. Où est l’interrupteur ? Je ne le trouve pas dans le noir… “Ah, mais non, il ne fait pas noir, ce sont mes yeux qui sont fermés, ouvre-les et respire”! Incontrôlable, le corps ne répondait pas à mes commandements, et ma tête est chef, vraiment très chef, on n’emmerde pas le chef !!! Petit à petit, j’arrivais à me sortir de là, pour reprendre un peu de focalisation sur l’objectif, en me détachant de l’évènementiel pour VOIR ma cible et SENTIR mon arc. Mon adversaire n’était pas non plus dans son assiette, Réo et Mike ne l’était pas non plus, plus tard, sur la première moitié de leur match, ce qui confortait mes sensations. Des finales comme Nîmes, il n’en existe qu’à Nimes… Paris était Paris, Lausanne était Lausanne, et chaque destination possède sa propre ambiance plus ou moins oppressante. Nîmes est “le caveau de verre”, beau et redoutable.

 

“On t’aime Pierrot”

 

Je n’ai pas reconnu cette voix parmi les autres, mais il aura bien choisi son moment pour crier cette phrase qui aura encore plus débloquer ma paralysie d’archer, tétanisé par cette tempête. D’autres ont suivi, les encouragements ne tarissaient pas, j’entendais tout, vous tournant le dos pour rester l’oeil dans la lumière éclatante des blasons, garder le lien avec ce fil qui me mène jusqu’au dix. “Fais voler tes flèches”, et les envols furent plus relâchés au fur et à mesure que mon score se détachait, mon arc pouvait prendre une certaine apesanteur sur certains tirs. Les temps de visée étaient dignes de Jacques Mayol parfois, utilisant la quasi-totalité des vingt secondes imparties. C’était nécessaire, et volontaire, je ne voulais plus brader une seule de mes flèches.

 

Thumbnail imagePunaise c’était chaud !!! Je termine par six flèches dans le 10, en tentant d’offrir la plus grande qualité de tir que j’étais capable de produire, offrir un spectacle, offrir un souvenir et un rêve à tous ces archers que j’ai croisé dans les stands. Je voulais faire honneur, rendre grâce à votre témoignage d’amitié depuis les tribunes. J’étais heureux de pouvoir terminer par un 10, même baveux, on s’en fout, après tout. J’avais pensé à cette ambiance, et comment vous remercier de votre message. J’ai pu le faire, une révérence, et un p’tit bisou envoyé de la main, de la lumière vers l’ombre, parce que vous avez participé à faire de cette petite finale, une grande lumière. 

 

2015 Nimes

 

 

 

 

Départ pour Las Végas, dimanche matin.

 

Les photos de Jean-Denis Gitton, @FFTA.

Les photos de Dean Alberga, @World Archery.

 

Les résulats du tournoi sur IANSEO.

 

La vidéo de la finale.

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