Vegas Shoot. Lucky Cat !

Je jouais au chien chanceux dans l'arène du South Point Hotel Casino à Vegas Baby. Décidément, je n'ai pas dû tout comprendre, les chiens ne font pas des chats, et je m'obstine à rater ma gamelle tandis qu'un chat rangerait ses croquettes bien comme il faut. J'ai bavé... Ca démarre fort non ? Avouez que cette histoire a déjà du chien… Mais dans tout ça, où est la souris ? Who let the dog out ?

Bon, ce n'est pas encore 900, mais je progresse, et petit à petit je vais remplacer le chien par le chat. Les chiens, c'est pas mon truc, je suis chat. Enfin non pas exactement, puisque en signe astrologique chinois, je suis chien, mais j'aime les chats. Vu comment Sam, notre chat, snobe #MaNanaKiDéchire lors de mes promenades, je pense que les chats aiment ma compagnie, sans se douter que je suis chien. Seulement voila, je n'étais pas en Chine, alors le signe chinois, en s'en cogne un peu de l'autre côté de la planète... Cette année, encore une fois, je jouais au chien chanceux dans l'arène du South Point Hotel Casino à Vegas Baby. Décidément, je n'ai pas dû tout comprendre, les chiens ne font pas des chats, et je m'obstine à rater ma gamelle tandis qu'un chat rangerait ses croquettes bien comme il faut. J'ai bavé... Ca démarre fort non ? Avouez que cette histoire a déjà du chien… Mais dans tout ça, où est la souris ? Who let the dog out ?

Récapépétons pour tous ceux et celles qui n'ont pas suivi toute l'histoire depuis le début...

Leçon numéro une : les championnats du monde en salle 2012. 

Leçon numéro deux : mon premier Végas, purement Végas, 2013.

Leçon numéro trois : mon deuxième Végas, je l'aurai un jour, je l'aurai ! 2014. 

Terminé ? Continuons. 

Le Vegas Shoot, soit le World Archery Festival, est aussi la dernière manche de la coupe du monde en salle. Dans ce Végas Shoot, il y a un Shoot Off, et un rattrapage pour une seule personne qui sera nommée "Lucky Dog", le chien chanceux. Le Vegas Shoot est au règlement NFAA, national field archery association, une des fédérations américaines. Le 10 classique compte 10 points, et le nombre de X est rapporté sur la feuille de marque comme indice de précision et de classement. Vous l'avez compris, pour la catégorie arc à poulies homme, le jeu est de tirer 900 points sur 900.

Trois jours, vendredi, samedi et dimanche. Chaque jour une série sur 300 points. Le dimanche, les archers à 900 points vont se finir en mort subite que l'on appelle le "Shoot Off". C'est un tir de barrage où celui qui tire un 9 est directement éliminé. La même, si plusieurs tirent un 9 puisque tout le monde tire en même temps devant une tribune bondée de paires de jumelles rivées sur les blasons. Celui qui gagne remporte le pot.

La coupe du monde en salle a démarré à Marrakech, puis a continué à Bangkok et à Nîmes pour se terminer à Las Vegas. Quatre manches, les quatre coins du monde, la coupe du monde en salle est ouverte à tous, aucune sélection en équipe nationale n'est nécessaire pour y prendre part et se classer. Ces déplacements sont purement individuels, c'est pour cette raison que nous sommes tous en tenue de sponsors, ou presque. Ah... Ces tenues..... On est si bien dans un pantalon de sport, à la mode des golfeurs, très classes, plutôt qu'en jeans ou pire, en jogging ! Il s'agit tout de même de rester présentable, notre sport est beau, autant le mettre en valeur. Chien, chat... Revenons à nos moutons ! Cette coupe du monde en salle sous-entend un classement après chaque manche, et une finale s'impose. Elle n'est pas un objectif sportif pour moi, autre que celui que de toujours donner le meilleur de moi-même. Cependant, pour cette fois, elle entrait dans une certaine stratégie.

Les championnats d'Europe, où je défendrais le titre se tiendront en Slovénie dans une quinzaine de jour. J'ai fait le choix de ne pas participer aux championnats de France du fait qu'ils soient très rapprochés du départ aux Europe, en tenant compte de mon niveau de performance cette saison. Ce n'est pas parce que je suis dans une situation pour laquelle je me suis donné le 100% sportif, que je dois prendre part à toutes les compétitions. Je sélectionne ainsi les tournois, en fonction d'un nouveau rythme que je dois encore trouver. Sur le règlement NFAA, les flèches sont d'un diamètre autorisé supérieur au règlement FITA. 27 contre 23, il s'agit d'une mesure en pouces. Ce sont de très grosses flèches pour aller chercher le cordon du X, et éviter de planter un 9 qui pourrait éventuellement être rattrapé de justesse avec ce diamètre supérieur... Je rappelle que dans le règlement NFAA, l'archer est responsable de son blason, si le juge ne peut pas lire le cordon, c'est le point inférieur, point barre. Avec une certaine expérience maintenant, je note que la très grande majorité des archers se repèrent au cordon extérieur 10 pour déterminer si la flèche est dans le X ou non, tout le monde en fait, parce que les blasons sont rarement changés dans une série. Serait-ce une piste pour une évolution de notre règlement ? L'encre va couler, c'est sûr.

A l'issue des deux premiers jours du Vegas Shoot, deux séries sont tirées pour un total de 600 points le samedi soir. Compte-tenu du fait que les X sont comptés, le score FITA est pris en compte. Bon ok, le score comprend que les flèches en 27 de diamètre sont acceptées... On y va doucement, n'allons pas révolutionner tout le marché américain non plus ! Voila, les quatre manches sont complétées, et la finale de la coupe du monde se tiendra le samedi soir, en règlement FITA. "The Voice", Georges Teckmitchov, ingénieur Easton et commentateur mondialement connu pour la qualité de sa diction, et pour son fameux "Ten Ten Ten", prendra le soin de rappeler les règles FITA à un public américain néophyte en cette matière. Néophyte, ou bien plus tellement... Car si la première année de la finale de la coupe du monde en salle n'avait pas eu un grand succès auprès de ce public sensible à sa propre culture, il devient de plus en plus présent et dynamique dans les tribunes, cette année encore un peu plus, les places libres devenaient rares dans cette immense arène ! Génial...

Les présentations sont faites donc, je vais maintenant passer au décor. Avant Nîmes, c'était chaud patate, je commençais à trouver quelques petites choses qui allaient me déranger. Pendant Nîmes, elles se sont confirmées : j'allais devoir remettre de l'ordre dans la machine pour la fin de la saison. Une semaine, j'ai une semaine, et après un Nîmes, c'est vraiment chaud. Il me faut un peu de temps avant de bien récupérer du tournoi, toujours. Le départ à Vegas était programmé dès le samedi soir pour Paris, puis dimanche pour les vols. Dans ce timing, je dois retrouver mes repères pour redevenir performant sans que cela me coûte les deux bras, les deux jambes et la tête pour tirer correctement. Et bien, je n'ai pas trouvé autre chose que le bon réglage convenable de fin de journée. Autrement dit, comme je l'assure depuis que je sais régler un arc, le réglage de fin d'entraînement n'est JAMAIS le bon. Le bon est celui qui passe dès la première flèche du jour suivant, jusqu'à atteindre sa limite de résistance physique, ou de présence mentale, lors du prochain tir.

Chaque lendemain, je partais attentif, et j'étais déçu. Je devais recommencer. Je ne vais pas me contenter de quelques beaux 10 tirés en apnée, je suis flemmard dans mon tir, et je vais donc mettre une rigueur et une exigence terribles dans mes réglages et dans les sensations pour être le plus confortable possible pendant les compétitions. Ainsi, quand il faudra aller taper dans la viande, j'aurai plaisir à le faire... Tordu un peu non ? Bienvenu chez moi !

Une fois à Vegas, j'allais m'entraîner comme d'habitude au magasin de chasse et pêche... Quoi ? Quelque chose vous choque ? Un véritable stand de tir cinq étoiles dans un magasin où l'on essaie sa future canne à pêche dans un lac artificiel indoor, à cinq dollars de l'heure... Mais si on déborde ce n'est pas grave, tant que personne n'attend, on n'est pas jeté dehors a l'heure pile. Big moustache, le responsable de rayon archerie, est super sympa malgré son accent chewing-gum méga dur à suivre ! Bon, et bien j'ai passé deux heures à tenter de trouver quelque chose pour être PJ Deloche 2015, mais j'étais plus celui de 2007… Fébrile, j’en collais de partout, et je commençais à manquer d’imagination pour trouver la souris ! Okayyyyy, don't worry baby ;-))) Je suis donc allé prendre un bon bol de grand air, les grands espaces nourrissent l’imaginaire. Quatre heures de route pour arriver au Grand Canyon village, et prendre un hélico pour voler au-dessus de la faille Sud. Ce paragraphe restera court, il se passe de mots, tout passe par les images, bon voyage…

J'ai plusieurs cordes à mon arc. J'avais prévu le coup juste avant de partir en me disant que si je ne trouvais pas quelque chose de satisfaisant avant que le tir ne compte, j'allais tout reprendre depuis le début, c'est-à-dire en changeant de câblage. Nous étions mercredi, le tournoi commence à se peupler, les caisses d’arcs envahissent la réception du South Point Casino, la salle d’entraînement ouvrira ses portes en début d’après-midi. Je présente mes excuses à l'ensemble des clients FBS, Flanders Bow Strings, car j'ai pu décaler leur  commande d'un petit délai, le temps pour Guillaume et Ludovic de me confectionner deux câbles et une corde pour ma Moubylète. A force de gratter un nouvel arc, sur lequel je me devais bien sûr de tester tout un tas de choses et en plus de tous ces X déjà à son actif, le câblage perdait de sa souplesse au bout de trois mois intensifs passés entre mes mains. Passage aux stands donc, comme les Formules 1 changent leurs pneus, sauf que je suis pilote et mécanos ;-) Et c'est reparti !

L'atelier avait lieu ce même jour entre 21h et 23h30 pour le montage et le rodage, du gros vers le fin. Reprise le lendemain de 8h à 10h pour la confirmation que c'était le bon choix, le réglage est bon, l'arc est à nouveau mon pote, avec une belle sortie de flèche, une belle rondeur, tout se passe en souplesse avec légèreté. J'aime... Nous sommes donc la veille d'une des plus grande et difficile compétition du monde. Je n'avais pas d'autres choix. Ou je plantais ma compet, et celle qui allait suivre, donc le championnat d’Europe, ou bien je changeais en prenant le risque d’hypothéquer celle-ci. J'ai fait ce choix pour partir aux Europe avec au moins une vraie référence en compétition, sinon, les réglages allaient s’effectuer en rentrant à la maison, avec du décalage horaire, une frustration potentielle importante dans le cas où cette compétition se passe mal, et ainsi de suite vont les parasites qui sont les ennemis d'une préparation d’échéance importante, alors que la caboche doit se reposer et visualiser. Nous sommes jeudi matin, et je décide de ne plus tirer jusqu'au lendemain avant le tir officiel en compétition. Je vais aller à la rencontre de mes sponsors et discuter de tout ce qui nous anime, le matos, la perf, ce genre de trucs qui nous rend un peu frappés du ciboulot, un peu comme ceux qui aiment lire tout un tas de lignes qui ne parlent que de tir à l'arc ou presque. Le soir, en rentrant, j'étais bilingue, et bien cuit. Je n'allais pas ruminer toute la nuit pour m'interroger sur la qualité de mes sensations du lendemain en compétition, et j'étais si bien dans ce lit ! Vendredi, je tire à 14h30, et je file me chauffer dans la salle permanente annexe (24/24h) avant les deux volées d'entraînement. Tout va plutôt bien, je ne suis pas chirurgien-blasoniste mais c'est correct pour un début de compet. Je n'ai pas de pression, je vais jouer chaque jour à toucher le 10, facilement puisque je reste calibré sur le petit X. Vraiment, tout va bien, et je monte vers l'arène pour dégainer mes grosses flèches en 27 de diamètre. Autant jouer le jeu jusqu'au bout : le problème n’est pas de se dire je vais tirer avec les grosses flèches pour toucher le gros 10 à chaque coup pour réaliser 900 points, la réflexion n’est pas ici. Elle se situe beaucoup loin, le troisième jour, alors que les 900 sont réalisés et que le Shoot Off commence. C’est le X qui compte, et le cordon sera fortement utile dans ce carnage final d’un tel tournoi. Elle est là, ma raison de tirer avec un diamètre supérieur, ce n’est pas qu’une histoire de faire des gros trous ! 

Je commence avec 150, dont deux flèches en-dehors du X... Pas d'alarme, mais à vrai dire, ces deux flèches qui n'avaient pas touché le X me gonflaient. A mi-parcours, les blasons du haut passent en bas, et vis-versa. Le bas commence toujours, il ne faut pas se planter en continuant sur la même cible... Je tire bien sur mon blason en bas, et aux Etat-Unis, le blason en bas est vraiment bas, l'inclinaison du bras doit être pensée en avance pour bien orienter le corps. A la deuxième flèche de cette sixième volée, tout juste entrain de reprendre quelques repères, je tire une flèche très habituelle, très normale et je constate un vol-plongeon, merde... Jumelles… Je vois cette flèche plantée grassement dans le plein 9 en bas, putain de merde, mais tu es con ou quoi ????? Crétin d’idiot, jette-toi contre un mur !!!!! La voila l'immersion dans la tête du sportif, les mots sont écrit tels qu'ils ont été pensés à cet instant. Je tire la dernière flèche plein fer sans me poser une quelconque question, juste pour finir cette volée et libérer mon esprit pour une totale disponibilité quant à l'analyse de ce qu'il venait de se passer. Bon, le Shoot Off, c'est foutu, je ne vais pas compter sur la chance hasardeuse qu'implique le Lucky Dog pour figurer parmi les finalistes du tournoi. Je vais continuer en cherchant pourquoi cela s'est produit, sans changer quoique ce soit. Tout est ok, le tir est bon, je n’ai pas encoché de plumes vers le bas, la flèche est droite… qu'est-ce qui change ? Rien, rien sauf les flèches... Un diamètre plus important, plus longues, et une pointe de 100 grains plus lourdes, je n'ai pas effectué suffisamment de tests avec ces flèches pour les éprouver à 100%. D'un autre côté, tester avant Nîmes n'était pas judicieux, et après Nîmes, je devais recoller avec mes bonnes sensations. En définitive, je pensais pouvoir trouver un bon compromis avec ces 27', et je me suis trompé. Ce 9 n'était en rien une faute de tir, il n'était pas de stress, il n'était pas autre chose qu'un mauvais choix de matériel. Si je forçais un peu sur le décocheur sur cette flèche, il est normal que la flèche plonge un peu pour ce qui concerne mon tir. Il m’arrive certaine fois de tirer avec une finition plus ou moins explosive, cela dépend de mon humeur. Suivant la flèche utilisée (valable aussi en FITA), cela peut causer ce genre de réaction. En 27 pointes lourdes, l'effet est augmenté, la tolérance moindre. Alors vous allez me dire, Pierrot, idiot, l’année dernière déjà tu avais remarqué cela et tu reproduis la même erreur… Ok, sauf que l’an dernier, l’arc était un Pro Comp, il est un Podium X. La came est un poil plus rapide aussi. Mais surtout, mon allonge a changé, et continue d’évoluer, la posture est différente, et tolère de plus grandes variations, la technique a changé et je vous assure de la grandeur de ses différences. Retenter l’aventure en barreaux de chaise pouvait éventuellement peut-être fonctionner, en supposant que cela marche, sous toute réserve bien entendu ;-) Il y a certainement un bon réglage, qui de toute évidence n'était pas le mien pour cette compétition. Mes références en la matière sont faibles, je gratterai sûrement un peu plus pour une prochaine édition, peut-être... Je terminais donc ce départ du vendredi avec 299 points, dont 26X.

Faible nombre de X malgré un tir de qualité et un tube de gros diamètre, une faute, je suis dehors. Cette compétition du Vegas Shoot, je peux d'ores et déjà la rayer de la carte, et je n’en suis qu’au début. Je dois maintenant m'intéresser à la deuxième compétition de la compétition soit la finale de la coupe du monde. L'intérêt est de préparer celle qui va suivre dans quinze jour, les Europe. La carotte, puisqu'avec une carotte c'est toujours mieux : la notion du jeu façon challenge, se tirer la bourre avec les performeurZ du moment en allant chercher mon premier 300 en compet inter, sur le X et à la régulière. 

Premier jour, beaucoup de noms connus du shootoff sont déjà out, j'en fais parti, sauf que je n'ai jamais réussi ce 900 à Végas, et que ce mauvais choix m'aura bien fichu les boules à King Kong, alors que tout allait bien. #AhPutaiiiin

Je n'allais pas tirer à nouveau le soir après cette série, je voulais poser les choses, et prendre le temps de me rhabiller d'un sourire pour la soirée de gala de la World Archery. Je figurais parmi les nominés comme athlète de l'année 2014. La fédération mondiale et son comité annonce une liste d'archers pour chaque catégorie et les votes sont ensuite ouverts à tous pour élire l'athlète de l'année. Magnifique salle de gala, dans une aile de l'hôtel, immense... Tout le monde est sur son 31, et c'est un moment de partage entre les officiels et les athlètes, c'est important de pouvoir créer le lien, pour savoir qui est qui, qui fait quoi, pourquoi, pour qui. Entre deux numéros d'illusionniste, les awards étaient décernés au photographe et au bénévole de l'année. Les archers sont arrivés juste ensuite.

Nous arrivons à notre catégorie. Je suis déjà fier d'être là, c'est une sorte de reconnaissance de mon parcours depuis 2012 alors que je remportais la première médaille individuelle sur le circuit. Sans complexe, mais avec un immense respect, j'étais aux côtés de Jesse Broadwater, champion du monde, Mike Schloesser, champion du Monde, Bridger Deaton, vainqueur de la finale de la coupe du Monde FITA… Ces archers ont tous de nombreux fans, ont tous leur histoire et leurs moments de gloire, ils ont tous chacun de grandes qualités sportives et humaines, au-delà de la performance, qui renforcent d'autant plus mon honneur à avoir été cité en haut de l'affiche. Reo Wilde est présenté avant qu'il ne monte sur la scène, il va annoncer l'athlète de l'année juste après une brève présentation de chacun sur grand écran de part et d'autre de la grande salle de gala. Comme à la télé !!! Une fois la présentation terminée, il annonce "and the winner is..." en ouvrant la grande enveloppe contenant le nom de l'athlète de l'année. Je commençais alors à arborer un sourire, m'apprêtant à applaudir le gagnant, lorsque j'entendis son accent américain prononcer "Pièwre..."... Non, c'est pas vrai ???? "Jouliènn... Diloche" ... Oh whahoooo !!!! Du jardin où je fabriquais mes arcs en piquant la ficelle à rôtis de ma mère, en passant par toutes les flèches que j'ai envoyé dans les murs, j'ai rêvé devant le rock, la légende, Reo Wilde. Ce multiple champion du monde au mental d'acier m'a remis le prix d'athlète de l'année, à travers vos votes, le jour de mon anniversaire, trente-trois ans, à Las Végas.

Est-ce que vous mesurez la valeur de ce moment et ce qu'il signifie pour moi ? Si vous n'y arrivez pas, alors mettez-vous dans la peau du numéro un mondial, qui a commencé tout petit, tout timide et qui ne l'a pas oublié. Imaginez que c'est vous, devant lui, en scène ouverte sur une salle à la lumière feutrée. Vous distinguez les plus grandes pompes du tir à l’arc mondial, assises juste devant vous. Vous êtes sportif, conditionné pour les terrains de finale, ce spectacle de performance auquel vous pensez tous les jours, pour lequel vous vous préparez? Vous n’êtes en revanche pas conditionné pour monté sur scène avec un pantalon et une chemise, encore moins avec l’effet de surprise.

Imaginez ensuite que le présentateur vous demande d'attendre, le protocole déroge un peu, on annonce qu'il s'agit d'un jour particulier... Happy birthday PJ !!! You made my day... C'était un moment magique, vous me l'avez offert, et c'est un magnifique cadeau. Merci, du fond du coeur, merci.

Cette soirée se terminait vers 23 heures, et j'ai préféré le repos à mon pass 24/24h pour le terrain d'entraînement. Je tirais le lendemain, samedi, à midi. Je me rendais à l'entraînement vers 10h pour me remettre en jambe avec les flèches de diamètre habituel en 2315. Plus rapides, plus tolérantes, je retrouvais une belle précision facilement avec ces flèches que je connais bien. Mon but était clair : préparer la finale de la coupe du monde qui allait se dérouler le soir à partir de 19 heures. Sur cette seconde série du Vegas Shoot, je tenais à assurer un bon classement sur la coupe du monde, et poursuivre le tournoi pour tenter ce chien chanceux avec 300 points. C'était fait, 300, avec 28X, et bien plus facilement qu'avec des grosses flèches... Cependant, je gardais une certaine frustration de ne pas avoir le meilleur score du terrain ! Même si le mieux est l'ennemi du bien, le mieux est mieux que le bien. Je m'accordais deux heures de pause avant de retourner à l'entraînement. Certaines fois, il faut aller mettre un coup de collier, et tirer encore et encore, tranquillement, mais régulièrement. Alors je continuais entre 17h30 et 19h.

Il n'y avait que deux volées d'échauffement pour la finale de la coupe du monde avant de commencer le match à élimination directe en huitième de finale. Les adversaires sont tous capables de tirer 150 sur 150 points, aucune flèche ne devait être laissée de côté, chacune d'entre-elles devait recevoir 100% d'attention et d'énergie dès le premier match. Ca passe au premier tour avec 148 contre 146 de l'américain Morgan Tate alors que Reo Wilde gagnait le barrage contre notre Christophe Doussot. Reo était mon prochain adversaire. Alors que je me sentais encore un peu fragile devant ses tribunes bondées et débordantes d'énergie, je prenais le temps de tirer chaque flèche parfaitement, mais lentement. Mon adversaire commettait quelques fautes, et je lui offrais mon tout premier score parfait en match, 150. Demie finale, le terrain change quelque peu, un match sera médiatisé au centre de l'arène. C'est comme une finale, commentée et filmée, en streaming. "Je suis certain que ça va être pour bibi", et hop ! C'est ça ! Chouette !

Mike Schloesser, le hollandais recordman du monde avec 600 points, vient de battre Jesse Broadwater au barrage à 150/150...10/10 !  Miky Mike est chaud comme une baraque à frites en ce moment, et c'est superbe à voir, et à matcher. Je ne l'ai jamais battu, cette quatrième rencontre n'était encore pas la bonne. Cette série s'arrêtera un jour, c'est certain, je ne suis pas impressionné, au contraire, cela motive mes efforts pour aller le chercher, lui ou un autre à ce niveau. C'est magnifique de vivre cela de l'intérieur, et de sentir qu'à la moindre erreur ce sera terminé tellement le niveau est haut et serré. Mike me colle un 150 sur ce terrain. Ca se paiera un jour Miky Mike ;-)))

A mi-chemin, une de mes flèches était jugée 9, c'est l'histoire de la pièce jetée en l'air... A gauche, c’est le 9, à droite, c’était un X, hummmm… Quelqu’un a parlé ? Je l'accepte sans problème, je suis passé au stade l’acceptation de ce règlement qui évoluera en son temps, bientôt.

 J'allais commettre une erreur en précipitant une dernière flèche sur l'avant dernière volée. Nous avions deux points d'écart. De tout le match, je n'avais eu l'audace de la victoire, je voulais produire du beau tir à l'arc sur ce terrain central, me souvenant de Nîmes où j'étais si tremblotant. J'ai réussi, c'était chouette, et ce match m'a beaucoup plu même s'il se termine par une défaite 150 à 148. La vidéo est ici à environ 16 minutes. Merci Guillaume ;-) 

Je serai ainsi en petite finale, comme à Marrakech, comme à Nîmes. Je rencontrais mon ami Peter Elzinga, numéro 2 mondial et archer très expérimenté. Nous avons bien matché, 149 partout, un petit 9 chacun, le mien sur la dernière flèche.. Barrage ! Il touche le 9 en bas, je tire une belle flèche légère et en souplesse, X. Je remporte le bronze de cette saison de coupe du monde indoor. Fin de la soirée de tir, 22h30, toujours bien cuit.

 Le lendemain, last day, dimanche. Le jour J pour les archers potentiellement capables d'atteindre les 900 points, on ne parle plus de coupe du monde, nous sommes vraiment dans le tournoi de Végas. Il y a un monde fou, tout le monde possède sa paire de jumelles rivée sur les blasons, Guettant le moindre 9... Et il y en a eu d'autres qui sont venus s'ajouter aux Lucky Dogs en herbe. J'ai tiré douze volées sur ce blason, deux pour l'échauffement, dix qui comptent, pas de cordon, pas de doute, j'ai tiré comme j'aime le faire. J'ai pu jouer avec les performeurZ et gagner la récompense de la marque Axcel qui me sponsorise pour les viseurs, au plus haut score de la journée. 300/30X, une autre série au vrai 300, mais pour la première fois en compétition internationale. Je ne l'avais réussi qu'à domicile jusqu'à présent, trois fois. J'étais en "match" contre l'américain Steve Anderson alias "Big Cat" (encore une histoire de chat et chien...) pour la première place des perdants du Shoot Off. Nous étions tous les deux à 54 X, et 599 points, avant ce troisième jour. Sur ce dernier jour, les attributions de numéro de cible regroupent les archers par niveau. Nous étions ainsi sur la même cible. Il tire 28X, et je gagne cette petite bataille sympa.

Ne pas faire partie du Shoot Off est bien sûr une déception, toutefois, je suis heureux d'avoir encore progressé sur ces petits détails qui pourraient faire la différence une prochaine fois, si je sais m'en souvenir au bon moment ! Le chien chanceux était à 95% le nez dans sa gamelle, les moustaches touchaient un peu les bords, et j'étais éliminé définitivement du tournoi, à l'année prochaine ! Le format du Shoot Off a un peu évolué. Il était traditionnellement d’abord tiré deux volées sur le gros 10, pour ensuite passer sur le X jusqu’au dernier survivant. Dès qu’un archer tirait au moins un 9, il était sûr de dégager, les autres ayant scoré le plein. Cette année, après une seule volée de chauffe, les archers commençaient cash sur le X. Ils étaient 17 à réaliser 900 points, et dès la première volée, il n’en restait plus que 7… A la deuxième volée, cinq autres étaient éliminés, dont trois avec 28 points sur la volée. Les deux qui ont scoré 29 points allaient tirer une petite finale pour décider de la troisième place. Les deux à 30 points allaient tirer la finale pour le prix. Un Shoot Off de Vegas qui aura duré trois volées… Trois !!! A la volée suivante, le vainqueur était connu, le jeune Alex Wifler, et il gagne avec une volée à 28 points. Il manque un truc. Après trois jours de pilonnage de 10 et de X, trois jours de tournoi bondé d’archers au sein d’un immense complexe, trois jours où chacun va vivre sa propre histoire de son Vegas à son niveau, il est temps de regarder ce que les maîtres de l’arc à poulies vont nous produire comme spectacle : des tirs de barrage qui durent, où un ou deux vont commettre l’erreur et sortir, avec un suspens haletant, jusqu’à la dernière flèche qui donnera la victoire au terme d’une belle bataille…

Bon, et bien, cette fois en qualité de spectateur, je me suis fait ma propre critique et le spectacle n’était pas au rendez-vous, décevant. Cette nouvelle règle, connue quelques heures avant le Shoot Off, n’apportait selon moi rien de bon. Le stress est déjà si énorme pour ce Shoot Off, qu’il ne servait à rien d’en ajouter. Le spectacle pour les tribunes n’aura été que de quelques minutes de tir, le reste étant le passage des trois arbitres qui successivement annoncent leur avis sur le score de chacun des archers (l’interprétation est donc prise en compte n’est-ce pas ? CQFD.

 La petite finale recevait plus d’intérêt que la finale elle-même. Avec 30 points partout, tirés en même temps que la finale Wifler / Levi, Perkins et Broadwater allaient remettre le couvert pendant que la champion du tournoi était en train de poser pour les photos de son moment de gloire. Curieuse ambiance que ce  Shoot Off… Le champion est censé donner le coup final de la compétition, les prétendant au bronze n’avaient pas encore terminé, et laissait à mes yeux un petit goût de l’aperçu de ce que j’aurais aimé voir : un peu de bataille nom d’un chien !!

 “Bon, tu sais ce qu’il te reste à faire Pierrot…” Bien bien bien, en route, encore et toujours, sans prétention aucune et avec tout mon respect, un champion mérite sa victoire. Cette fois était la sienne, d’autres se le disent, tout comme ils se disent qu’ils se verraient bien à sa place. C’est notre petit jeu, j’aime y jouer. J’espère me retrouver au centre de cette arène lors d’une prochaine édition, pour flipper et bien sentir mes chaussures à bascule, littéralement envahit par les tremblements jusqu’à s’en retourner les entrailles, et tenter de produire un beau spectacle aux côtés d’archer câblés sur le même mode que moi. Je nous le souhaite, à tous, pour tous !

 En route pour les championnats d’Europe en Slovénie, départ lundi 23 février.

 Définitivement et félinement vôtre, Miaou.