SHA DA1 1539

Shanghai, un français peut en cacher un autre !

C'était un retour sur le pas de tir d'un carré final en extérieur, après une saison blanche en 2014. Il était plus important de bien vivre ce match que s'attacher au résultat de qui gagne ou qui perd.

 

 

 

 

SHA DA1 1539Je résonne du point de vue des adversaires, pas du nôtre. Sébastien et Dominique montent tous deux sur le podium pour les médailles d'or et de bronze. A Wroclaw et à Lausanne, je remportais l'or et l'argent. A Shanghai l'an dernier, Sébastien et moi étions les finalistes. C'est un palmarès individuel de l'équipe de France masculine qui s'étoffe encore, accrochant au tableau de grandes figures de notre discipline. Cette réussite porte haut nos couleurs, et encourage notre investissement quotidien.

Pour ce qui concerne mon parcours, ma préparation ne pouvait pas être optimale à ce stade de la saison, opérant mes fameux changements, et en pleine restructuration de vie. Je termine ainsi neuvième des qualifications, stoppé en huitième de finale dans ce duel franco-français contre l'homme fort de la semaine, Séb. Définitivement, à mes yeux, la question n'est plus de savoir comment gagner, mais comment continuer à gagner encore et encore. Une des réponses arrive en confirmation avec cette première étape 2015. Un français peut en cacher un autre.


 

 

Pierrot, tes changements, pourquoi durent-ils si longtemps ?

Fin de saison 2013, je suis vice champion du monde, des jeux mondiaux, vainqueur de la coupe du monde à Wroclaw avec une allonge de 26,5". Ma technique était redoutable lors de conditions climatiques calmes et optimales, dès lors que le temps se gâtait, j'étais aux fraises. J'ai voulu évoluer, chercher autre chose de plus polyvalent. Le haut niveau n'attend pas, je devais maintenir un niveau de performance égal. En 2014, je commençais avec d'excellentes performances avec une allonge de 27,5" et je devais revenir sur un compromis à 27" en raison d'une carence en énergie. Saison 2015, je prends le risque de partir avec un arc de 40" d'entre-axes et 27,5" d'allonge. C'est du chinois ? Ca ira bien dans le contexte à Shanghai ;-)

SHA DA2 0964Le but est d'obtenir une mise en place plus rapide en visée, une meilleure opposition des segments dans le vent, tout en restant précis et un poil plus rapide dans l'exécution du tir. Seulement, on parle d'arriver à un niveau de performance où en compétition internationale, onze flèches sur douze sont dans le 10 (714). Il me faut du matériel, que je reçois petit à petit. Il me faut du temps et beaucoup d'énergie pour mettre en place des séries de tests appropriés, pour en laisser ressortir des choses qui fonctionnent, et d'autres qui ne fonctionnent pas, selon les cas de figures. C'est une usine à gaz. Deux solutions s'offrent à moi : soit je pars en compét avec quelque chose de connu et je reste sur le connu, soit je pars avec quelque chose d'inconnu pour explorer de nouvelles contrées. Je choisi la deuxième option, elle est longue et je dois être méthodique pour ne pas péter les plombs. A chaque nouveau test, je reviens au point de départ. Psychologiquement, c'est tendu. C'est long, ça coûte, j'ai quelquefois envie de revenir à mes paramètres connus. Chose impossible, cela demanderait un travail d'adaptation tout aussi important que celui qui mène à la progression. Poing fermé dans la poche, j'accepte, et je poursuis. Du nouveau matériel est pensé, dessiné, usiné. Ce n'est pas encore ce que j'attends, desfois je suis content, d'autres fois je me plante. De toute façon, j'avance. C'est ça, être méthodique, procéder par étape.

Nous arrivions en Chine trois entraînements avant que ça compte, ils étaient tous les trois bon, très bon, puis excellent lors de l'entraînement officiel. De tous petits paquets de flèches plantés pleine bille. C'était bon, facile. Changement de climat pour les qualifications, le temps à Shanghai passe du sec à l'humide en un claquement de doigts. Je glissais, et je n'avais pas mes repères. J'ai perdu quelques points sur le départ de la compét, pour enchaîner sur une série de sept fois 59 points, juste histoire de bien me mettre les boules. Finish à 702, 349, 353. Pas terrible, je sauve les meubles.

Sur les matchs, je tire 148, 147, 146. Petit vent tournant dans ce stadium donuts où le vent s'engouffre et vient jouer avec les manches à air. L'info arrive petit à petit, si nous gagnons tous nos matchs jusqu'en huitième, Sébastien Peineau et moi nous rencontrerons. Merde. Je ne peux pas dire autre chose que ce mot sanguin inspirant la déception de n'avoir que deux archers potentiels en quart de finale, Dominique étant de l'autre côté du tableau. Déception car Séb avait largement de quoi jouer la gagne avec sa qualité de tir, et je pouvais avancer encore un peu plus dans le tableau pour marquer plus de points de classement de coupe du monde.

Ce match était superbe. 28 partout, puis 120 pour Séb, 148. Je tire un 28 de plus sur la quatrième volée, et je finis sur un 146. Perdre n'est pas le problème, je n'aurais pas pu atteindre le niveau de perf qu'il a tenu jusqu'au bout. C'est que nous nous amusions bien dans ce match à grands coups de 10 et de X, j'aurais aimé jouer jusqu'à la dernière flèche plutôt que de laisser le match trois flèches trop tôt. Je marque cinq points sur cette manche, et je valide beaucoup de critères techniques et matériels. C'est bon, ça passe.

SHA DA1 1632Le lendemain par équipe, Dominique tirait en 1, Séb en 2 et moi en 3. Cet ordre est autant stratégique qu'historique. Il permet à chacun de nous de s'exprimer correctement sans porter atteinte au fonctionnement de l'équipe. Nous n'avions pas tourné ensemble depuis Antalya 2011 ! Etre troisième me plaît beaucoup, je n'ai aucune pression sur le timing même au décompte des dernières secondes. Je peux ainsi encourager mes coéquipiers sans filet pendant les premières flèches, et finir le boulot. Dom et Séb aiment tous les deux ouvrir le score, ils se sont entendus pour cet ordre. Ca tournait nickel, comme le vent d'ailleurs !!!

Tirer sans avoir jeté un oeil à la manche à air causait un 9 quasiment à chaque coup, le vent sur cible pouvait être assez puissant, et contraire au pas de tir. A force, on connaît ce terrain. Les danois, eux, le maîtrisent ! Nous gagnons les huitièmes et quart de finale avec de bons scores pour les conditions. La demie finale fût une autre histoire. Nous avions vu les danois aux championnats du monde FITA en 2013, dans la tempête. Ils étaient impressionnants. Ils l'ont encore été avec un score à 235 qui faisait tourner toutes les têtes au pas de tir. Le vent avait fraîchit et devenait compliqué à gérer. Nous finissions avec un petit 224 pour jouer le bronze.

SHA DA2 2311C'était un retour sur le pas de tir d'un carré final en extérieur, après une saison blanche en 2014. Il était plus important de bien vivre ce match que s'attacher au résultat de qui gagne ou qui perd. Les indiens ont été très bons, et nous moins. J'attaquais avec deux 9 à droite. Pourtant, je réglais entre les deux pour revenir au 10 rapidement. Une petite erreur m'en coûte un autre la volée suivante. C'était l'épreuve du feu pour mon arc de 40" à 27,5". Si j'arrivais à le tirer en équipe dans un carré final, après l'avoir maîtrisé correctement dans ce vent sournois, c'était du tout bon pour la suite. J'ai bien vécu ce match avec mes coéquipiers. Chacun de nous tirait sa boulette dans le match, aucun de nous ne se renfermait. C'était un bon moment d'équipe et à chaque parcours de ce genre nous progressons dans notre façon d'aborder la compétition. Nous devenons plus précis sur les points de communication, sur la gestion des moments clé. C'est en bonne voie pour la suite, à Antalya, où l'équipe se retrouvera le 25 mai pour le départ.

A l'issue de ce match par équipe, je rangeais mon arc dans sa caisse avion, prochaine sortie à la maison. Les copains se préparaient pour leur finale respective. C'était le moment pour moi de leur laisser la paix. Il m'ont offert de belles images de tir. Un retour de Dom après une longue convalescence de son opération du dos, où chaque flèche devait être tenue avec patience, et résistance. Un doublé de Séb, dans un match de haut vol, haletant. Ces images sont de l'énergie en barre pour ce mec que je suis, qui aura connu vagues scélérates et vide intersidéral. Pour illustrer ce qu'est ma passion, ils apportent de la matière à combler mon vide. C'est une vraie richesse, quand ce n'est pas un, c'est l'autre, ou l'autre. Des volontaires ? Armez-vous bien, âmes sensibles s'abstenir... Ou pas ! Moi, j'y retourne, simplement parce que j'aime ça.

J'ai fait court cette fois non ?

@ bientôt.

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