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Cali, les jeux mondiaux en argent !

 

Les jeux mondiaux, ce sont les JO des disciplines qui ne sont pas présentes aux jeux olympiques, 4500 athlètes présents sur quinze jours dans une trentaine de disciplines différentes...

 

Les jeux mondiaux viennent de s'achever pour le tir à l'arc FITA 50 mètres, et commencent aujourd'hui mardi 30/07 pour les archers de tir campagne. Les jeux mondiaux, ce sont les JO des disciplines qui ne sont pas présentes aux jeux olympiques, 4500 athlètes présents sur quinze jours dans une trentaine de disciplines différentes, un "village" où se restaurer, des pôles de compétitions répartis dans toute la ville en fonction des installations nécessaires, un club France pour honorer les médaillés et assurer une couverture médiatique plus spécifique encore que les innombrables cameramen et photographes sur le terrain, un policier par athlète pour la sécurité et la circulation, des rues de bus et une armée de bénévoles assurant les traductions pour toutes les nations représentées. C'est un événement grandiose, à l'intérieur duquel j'ai été plongé pendant une petite semaine à toute allure. L'équipe de France était composée de plusieurs sports cette fois, cela change de nos habitudes à ne côtoyer que des archers. J'ai trouvé ce côté vraiment très sympathique, et j'aurais aimé découvrir et apprendre plus sur les autres disciplines si le temps me l'avait permis. Cette grande compétition sert en quelque sorte de support pour tester certaines disciplines en vue des JO, ou d'autres formats toujours pour rendre le sport plus spectaculaire, et ainsi le mettre en valeur. 

La World Archery assurait un soutien énorme à l'organisation de la nouveauté FITA arcs à poulies dans cette immense usine de sports. Elle aura encore une fois relevé un sacré défi pour nous offrir les meilleures conditions de tir possible. Jusqu'à présent, seul le tir campagne était présenté à ces jeux, et c'était notre toute première fois. J'avais une certaine impatience mêlée de fierté pour participer à cette première, faire partie des pionniers de ma discipline à laquelle je tiens beaucoup. Comme pour les JO, on ne participe pas aux jeux mondiaux en remportant une sélection nationale, c'est l'année précédente que sont attribués les quotas. Pour le tir arc à poulies, le top 10 mondial 2012 arrêté au 31/12, le podium individuel des championnats d'Europe FITA 2012, les jeux panaméricains et autres grandes compétitions continentales, servaient de support pour définir la liste des sélectionnés. En oscillant en les numéro 3 et 4 mondial en 2012, j'assurais un quota pour la France. C'est ensuite la FFTA qui avait rendu ce quota nominatif, valorisant ainsi un excellent et régulier parcours en 2012. Être de la compétition était donc déjà une belle épreuve de franchie, qui représente le travail de toute une saison et je vivais ma présence à Cali comme une nouvelle récompense dans mon parcours. Il s'agissait d'un événement hors cadre si l'on prend l'ensemble d'une saison FITA normale en circuit World Archery. Après notre victoire par équipe à Medellin pour la coupe du Monde, nous sommes restés sur place deux jours avant de rejoindre Cali en une heure de vol. J'ai pu remettre de l'ordre dans mes affaires, tranquillement, au calme d'un rythme de compétition dans le centre d'entraînement colombien. Il était important pour moi de reprendre mes propres repères, mon identité, ma façon de faire et en parfaite autonomie. Ces deux jours étaient en réalité les jours de pause, deux jours où le rythme me permettait de prendre du repos, les méninges ayant été une nouvelle fois soumises à rude épreuve... Le troisième jour démarrait le marathon pour Cali, sur le papier ce n'est pas loin et pourtant... Réveil 5h30, petit déjeuner 6h et prochain repas 15h ! Bus, aéroport avion, bus, accréditation, bus, hôtel bagages chambre, bus, manger, bus, hôtel douche froide, bus, manger, bus, hôtel DODO !!! À chaque bus, il fallait compter 20/30' pour rejoindre l'hôtel, le réfectoire, le terrain ou le club France. Avec une telle ampleur d'événement, nous avions bien prévu de gérer les longueurs et attentes probables. Ainsi commençait cette nouvelle compétition colombienne, au cœur de la capitale de la salsa !

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militaireLe lendemain, le terrain de tir était disponible. La chaleur de Cali était plus chaude encore qu'à Medellin, et tirer le matin était le choix judicieux pour ne pas griller sur place, ni soi-même ni le matériel. C'était un entraînement lambda, où j'ai simplement pu prendre mes marques et valider mes initiatives post-Medellin. Après 4h sur le terrain, la navette nous déposait au centre de restauration pour une pause repas d'une heure avant de nous ramener à l'hôtel pour quelques dizaines de minutes. Ensuite, taxi direction le club France de l'autre côté de la ville pour le découvrir. Retour taxi hôtel, changement de tenue et hop direction la cérémonie d'ouverture ! Trois heures d'attente, assis, à l'ombre, avec de quoi boire et manger, le temps que toutes les délégations se regroupent et que l'organisation lance l'ouverture de ces jeux mondiaux. À 20h, le cortège est lancé, il y a foule en dehors du stade, je ne sais pas combien de dizaine de milliers de personnes attendaient dehors à notre passage mais je sais que le stade de Cali était déjà plein, soit 40 000 places occupées... Tout comme la cérémonie d'ouverture des JO, les nations défilent par ordre alphabétique devant les tribunes de spectateurs avant de clôturer le cortège par l'équipe du pays organisateur. Une fois dans les couloirs qui mènent à l'arène du stade, j'entendais crier, hurler, applaudir, mais les sons étaient encore sourds et lointains, et je sentais monter la pression et l'impatience d'avoir cette chance de saluer la foule en plein cœur de l'équipe de France, toutes disciplines confondues. C'est notre tour et j'avance en immortalisant ce moment mon téléphone à la main. La lumière est devenue intense au passage du porche, la musique de fond guide les pas au rythme de ses basses tremblantes, le commentateur annonce "France" à notre passage devant la tribune mère et les spectateurs rehaussent encore plus les encouragements, les cris n'étaient alors plus sourds du tout, c'était ... C'était gigantesque, tous ces visages tournés vers nous, tous ces sourires et tous ces signes de bonheur, autant de mains s'agitant en l'air, les gardes en ligne le long du tartan d'athlétisme, un bruit de mains, de voix et de musique tellement intense et prenant aux tripes que je vivais leur magie, c'était un vrai moment de bonheur et je l'ai croqué tout ce que je pouvais, comme une éponge à énergie positive !!!!!!!

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Lorsque l'équipe colombienne est entrée et qu'elle a été annoncée, les cris étaient si puissants que je n'entendais plus la musique, je ne distinguais plus les commentaires, c'était une vague aiguë qui aura duré plusieurs minutes, vraiment incroyable... Le défilé terminé et un tour complet plus tard, nous étions dans les gradins. Je me trouvais un peu loin de la scène de spectacle mais je pouvais tout de même voir une présentation de qualité, orchestrée, travaillée et soignée qui évoquait l'histoire du pays et sa culture sur les notes de sa danse salsa. Le clou du spectacle, je l'ai filmé aussi mais sans en perdre une miette de mes yeux, était un superbe feu d'artifice juste en face de moi. Un magnifique son et lumière pyrotechnique pour terminer cette soirée vers 23h et nous plonger dans la compétition. Le lendemain était encore une longue journée pour l'entraînement officiel, avec un départ de l'hôtel à 7h20 et un retour programmé vers le miam à 13h. Assez fatigué par les jours précédents, assommé par la chaleur et couvant un petit rhume, je décidais d'embarquer de quoi m'occuper autrement qu'avec un arc. Je tirais alors quelques volées de qualité avant de ranger le matériel, et de me mettre à l'ombre en attendant la navette. La journée des qualifications allait être soumise au même programme et plus dense encore... Au départ, seuls les huit premiers archers des qualifications pouvaient prétendre à une suite dans la compétition. Le quart de finale aurait été tiré juste après les qualifications et les gagnants auraient obtenus leurs billets pour les grandes finales. L'organisation décidait de retenir les 24 archers pour commencer en seizième de finale. Cela nous permettait de retrouver un format plus connu dans notre compétition. 

decochefinaleSur les qualifications, je commence avec 57-58-56 et je suis classé 20ème... Il y avait un peu de vent, changeant de direction mais toujours assez faible, juste de quoi pousser mes flèches au 9. Ces trois volées m'auront appris beaucoup sur la tolérance de mes flèches pour ce qui concerne la contre-visée. J'ai dû aller chercher loin, beaucoup trop loin ma visée pour les coller dans la gamelle. Je vais travailler sur ce point dès mon retour en France. Je n'étais pas supposé perdre autant de points avec si peu de vent. Je crois en ma qualité de tir, je ne peux avoir confiance qu'en elle. J'ai donc mis l'accent sur l'observation, les flèches déjà en cible, les drapeaux et autres éléments m'indiquant la direction et force du vent pour estimer ma visée. J'enchaîne avec 180 points pour terminer la première série et je recommence avec 177 et enfin 175 dans un peu plus d'air pour finir à 703 points.  Pour scorer dans ces conditions, le groupement et la distance de l'erreur par rapport au groupement sont essentiels, et il faut bien se connaître. Pour bien se connaître, il faut des références qui ne peuvent être acquises qu'en compétition et lorsque l'on est en état de recevoir ces informations pour les analyser et les retenir. Ces éléments réunis, on peut parler de confiance et hop, une perf' tombe ! C'est super simple non ???

Avec ce score, je suis classé 5ème à égalité avec mon compère Dominique Genet, 4ème au nombre de X. J'aurai donc un match en bye pour les seizièmes de finale après la pause de quatre heures sur le terrain, le temps de manger, de tirer les mixtes et les premiers matchs. Je rencontre l'américain Steve Anderson en huitième de finale. Cela fait quatre heures que je ne tire pas et il vient de remporter un match. Je tire mes trois volées d'échauffement qui annoncent un tir de qualité malgré une chaleur étouffante. Le match commence avec un point de retard et je reviens en avance puis à égalité à 145 points. Je tire ma dernière flèche au 8, une flèche qui me pète à la tronche alors que je sais très bien que je glisse plus lorsqu'il fait très chaud. Mais quel boulet... Ce n'est pas comme si j'avais l'habitude de tirer sous une forte chaleur dans le Sud de la France... !!!! Enfin l'histoire se termine par un barrage et je n'avais plus aucun doute sur la façon de faire, j'ai ''snipé'' cette flèche pour la planter dans le X et passer au tour suivant. Les conditions sont alors stables, avec 40 degrés et un temps lourd sous le soleil brûlant, quelques levées de vent léger par moment rafraîchissaient et poussaient quelques flèches au neuf gauche puis droite en fonction de leur direction. En quart de finale, je rencontre l'iranien Amir Kazempour. Je l'avais déjà rencontré mais en équipe, à Ogden en petite finale pour le bronze. Dominique Genet, Sébastien Brasseur et moi avions eu un match très serré contre les iraniens qui l'avaient emporté. C'est un archer excellent qui peut tirer très vite et très précis, mais courtois et fort sympathique. Nous avons fait un bon match, il mène, je mène, j'avais un point d'avance sur la dernière volée et je lui ferme la porte avec un 30 et 145 points contre 144. J'avais en poche mon billet pour tirer le lendemain en demie finale contre le Salvador, Roberto Hernandez. Je ne savais pas encore dans quoi j'embarquais... Le soir, plutôt que de rester dans l'univers sportivo-sportif dans lequel je baignais depuis plus de quinze jours, j'ai eu le plaisir d'aller manger une pizza et de boire un cocktail de fruits pour me changer les idées et passer une bonne nuit derrière. Judicieux, car avec mon p'tit rhume couvant, j'étais couché tôt, la pensée légère et tranquille pour aborder mon lendemain avec tous mes moyens. 

Le dimanche arrive et je découvre le lieu des finales, dans un stade d'athlétisme, vélodrome et piste de roller. Le terrain se trouvait juste à quelques mètres le long d'une tribune de 2000 personnes déjà pleine à craquer de bon matin alors que les arcs n'étaient pas encore montés !

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Le terrain d'entraînement était dans le même sens que l'officiel, mais plus en retrait parallèlement aux tribunes. J'avais donc le son et l'image de ce qui m'attendait. Le public était vraiment très vivant, démonstratif, et on avait tout de suite la réponse de notre impact en cible ! Mon tour arrive pour me présenter en demie finale, dans un match où tout est encore à faire, ce n'est pas un match de médaille, rien n'est gagné, rien n'est perdu. C'est aussi le premier match de la journée, sur un terrain inconnu d'un grand événement et devant beaucoup plus de photographes, devant 2000 personnes criant dans les gradins et tous les internautes suivant le match en direct vidéo. C'était impressionnant de tirer dans cette arène, je me sentais parfois comme dans un aquarium, je n'aimais pas mes premières sensations avant de reprendre mes esprits et de commencer à savourer ce moment, et ne pas hésiter à être plus démonstratif. Le match se déroule avec quelques 9 de chaque côté et toujours au coude à coude pour être à 117 partout avant les trois dernières flèches. Je tire mal la première et je touche le 9. Ma deuxième est bonne mais ne touche pas non plus et se plante à droite. Je pouvais avoir anticiper un réglage gauche alors qu'il y avait toujours un peu d'air ou vent léger, à ce moment-là, ce n'était peut-être qu'une question de réglage /visée. Mon adversaire compte deux 10 et j'ai deux points de retard. Qu'importe, ce n'est pas encore la fin et je sais bien qu'un 8 de son côté est possible dans cet aquarium glissant et particulièrement chaud. Je m'applique et termine par un dix. Je suis vraiment en train de penser que le 8 est possible et il ouvre la porte au barrage avec cette flèche, basse je crois, et dans le rouge. J'ai refermé cette porte avec un 10 plus au centre que le sien et me voilà en finale ! 
IMG 1264 LCe premier match était vraiment difficile et oppressant, la foule était avec lui, hispanique, voisin, il y avait beaucoup de pression des deux côtés, et la chaleur nous aura demandé de fournir beaucoup d'énergie. Entre les deux matchs, je laissais mon arc un moment pour la pause déjeuner. J'avais deux heures à gérer avant la finale contre Reo Wilde. Une finale contre Reo n'est pas chose aisée si on prend le problème direct comme ça en lisant le palmarès, en prenant acte de son expérience et de sa capacité à gagner, ou juste en regardant le bonhomme... Ce n'est pas un problème, car j'estime être à ma place pour le moment alors que je me construis. Mon but n'est pas alors de le battre, il est de gagner quelque chose sur moi : tirer à mon niveau sera déjà une satisfaction pouvant encourager une victoire future contre lui, ou quelqu'un d'autre. Il me reste à améliorer cette faculté à se sentir chez soi sur un terrain de finale, et j'adore ça !!! Ensuite, si mon adversaire commet des fautes qui, en fin de compte, lui donne moins de points que moi, je gagne sur moi pour avoir fait mon job, et je gagne le match pour avoir réalisé plus de points... Seulement, c'est à la fin que le total est fait, avant, il faut arriver en finale. C'est une logique qui est la mienne, et c'est celle que je comprends sans avoir à recourir à la science dans des moments aussi spectaculaires que ces finales. Mon regret sera juste de ne pas avoir pu matcher un peu plus contre Reo, et faire du point à point, mano à mano. J'y ai bien cru alors qu'il avait quelques cordons très justes en début de match, mais il aura terminé par 6X magnifiques ! J'ai tenu les points jusqu'au bout coûte que coûte pour m'incliner 149 à 147, soit mon meilleur match de la saison. Les dernières flèches étaient vraiment magiques, il plantait des croix, et j'avais des sensations énormes.

Thumbnail image J'ai vécu cette finale avec beaucoup de plaisir, le match n'avait pas de comparaison avec le précédent. J'étais libre, avec la pression, mais serein sur ma capacité à réussir un bon match, pour offrir une belle finale. C'est tellement important de donner la meilleure image de notre sport sur une finale, que je ne peux m'empêcher de dire ma fierté et ma joie lorsque j'arrive à faire quelque chose de beau ! C'est comme apporter sa propre pierre à l'édifice ! Thumbnail imageEntre Reo et moi, il y a toujours un immense respect mutuel, on ne nous voit pas nous serrer la main sur le terrain de finale, mais c'est ce qu'il se passe en coulisses avant de rentrer "sur scène". Nous nous souhaitons un bon et beau tir avec un maximum de plaisir avant de se brancher un peu ou raconter une petite ânerie pour détendre l'atmosphère. 

C'est le cérémonial qui veut ça, le coach d'abord, ensuite les archers qui sont présentés chacun leur tour, puis l'arbitre du match et youpi c'est parti mon Kiki, pas le temps de se refaire les sourcils !!! C'est alors le moment de vivre son match à 100%, en autonomie, avec concentration, volonté et maîtrise. Le rythme du match n'autorise rien d'autre que la maîtrise du temps et des émotions, il faut partir cash, accepter l'événement, accepter la faute et apprécier cette mise en valeur de la qualité de notre parcours jusqu'en finale !

 

Thumbnail imageJe ramène cette superbe et très lourde médaille d'argent, et je suis vraiment fier de compter parmi les trois premiers archers au monde à être sur le podium de ces premiers jeux mondiaux arcs à poulies FITA. En mesurant le parcours depuis 2012 jusqu'à Cali   pour obtenir le quota, en obtenant ma sélection nominative, continuant l'entraînement plus durement encore et arriver ici à être performant jusqu'à remporter l'argent ''pionnier'',  et bien ÷≠&é»’-)-%ù+ ça fait du bien !!!


Petite anecdote : avant de partir, ma compagne avait glissé ce petit post-it avec le chat dessiné, pour me rappeler Sam, mon pot de colle de chat... Tellement pot de colle qu'il aura réussi à se glisser jusqu'à apparaître aussi sur la médaille !!!!! Génial ! 
Ce qui me fait du bien, vous le savez, mais je ne le dirai jamais assez, c'est d'apporter ce lot de frissons et de joies à ceux qui me suivent, à ceux qui partagent ma passion, à ma famille et en récompense de mon travail pour les sacrifices qui ont été faits. Les messages que vous me laissez lorsque j'écris mes récits, je les lis, et je les relis, car ils m'apportent beaucoup. Alors si par bonheur mon message passe, sachez que les vôtres passent aussi parfaitement bien, et je vous en remercie une fois de plus. Maintenant, le temps est au repos, à l’entretien et à la préparation de la quatrième manche de la coupe du Monde du 18 au 26 août à Wroclaw en Pologne.

A bientôt !

 

 

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